Actuel, original, mais trop long, Demain, le premier spectacle solo de Mehdi Bousaidan, présenté en première cette semaine à la Cinquième Salle, est une des propositions les plus surprenantes de la saison. À 27 ans, l’humoriste signe avec son complice Gabriel Poirier-Galarneau la meilleure mise en scène de stand-up qu’on a vue depuis un bon moment, mais condenser certains de ses numéros lui aurait grandement été profitable.

Bienvenue sur Medflix, plateforme calquée sur le modèle de Netflix pour mieux plonger les spectateurs de la Cinquième Salle dans le monde de Mehdi Bousaidan.

Les voix de deux personnes s’apprêtant à choisir le spectacle d’humour qu’ils vont regarder se font entendre alors qu’ils naviguent sur l’interface. Lorsqu’ils sélectionnent Demain, Mehdi débarque sur scène et livre son introduction en espagnol, avant de répéter la manœuvre en français sous-titré en arabe pendant que le couple effectue des changements dans le menu des langues de Medflix.

Tout au long du spectacle, l’humoriste joue avec sa plateforme inventée, qui ajoute grandement à l’effet comique et est loin d’être un simple gadget. Il demande également au public d’interagir par applaudissements, à la manière de l’épisode spécial de Black Mirror, Bandersnatch, pour changer le cours du spectacle. Mehdi propose ainsi une mise en scène très originale qui lui permet de se démarquer de tous les spectacles présentés en ce moment par ses confrères.

Avec un contenant presque parfait, Mehdi Bousaidan n’a pas non plus négligé le contenu de son premier one-man show. L’humoriste signe l’intégralité des textes de Demain, un spectacle au propos très actuel, mais moins engagé que ce qu’on aurait pensé.

Deux numéros nous ont particulièrement séduit : celui sur les sonneries de téléphone qui en disent long sur notre personnalité et celui sur le reggaeton (genre musical des Caraïbes) qu’il caricature savoureusement sur scène. Ces deux petites perles remplies de fines observations détonent avec certains numéros moins efficaces qui auraient gagné à être condensés, surtout celui sur les armes à feu. On en apprécie tout de même la construction, alors que Mehdi part de l’idée d’avoir des professeurs armés aux États-Unis pour raconter qu’il s’est un jour retrouvé face au Groupe d’intervention tactique à l’École nationale de l’humour parce qu’il avait apporté nonchalamment de fausses armes dans un sac pour un sketch. 

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

«Avec ce premier spectacle solo, Mehdi Bousaidan prouve qu’il est un humoriste accompli et avant-gardiste», écrit notre critique.

Même bémol au sujet du récit de ses prestations scéniques en prison. Bien qu’original et drôle, ce long passage aurait gagné à être écourté pour être plus efficace.

À force de vouloir apporter de la substance à son propos, Mehdi se perd parfois en chemin. 

Mais l’humoriste reste tout de même pertinent et divertissant grâce à ses qualités indéniables d’interprète, capable d’imiter des accents, de mimer et de se glisser dans la peau d’un autre. Des points forts qui transparaissent particulièrement dans ses récits de voyage.

De plus en plus sérieux au fil des 100 minutes de Demain, l’humoriste clôt son spectacle avec quelques statistiques sur les inégalités dans le monde ou sur le nombre de femmes agressées au Québec. Il s’avère un peu moins habile qu’un Louis T dans ce genre d’exercice et on a du mal à comprendre où il veut vraiment en venir. 

« On peut rire, mais il y a aussi des choses auxquelles il faut réfléchir », lâche Mehdi à la fin de sa prestation, semblant ressentir le besoin de montrer son petit côté engagé et intello, pourtant palpable dès les premières secondes de son spectacle.

Débarqué d’Algérie dans une classe d’accueil pour nouveaux arrivants à l’âge de 5 ans, il reste l’un des plus beaux exemples de la richesse du mariage entre culture québécoise et immigration. Avec ce premier spectacle solo, Mehdi Bousaidan prouve qu’il est un humoriste accompli et avant-gardiste, mais surtout un modèle pour les artistes de demain.

* * * 1/2 Demain. Mehdi Bousaidan. En résidence à la Cinquième Salle de la Place des Arts jusqu’au 27 avril.