L'humoriste, comédien, metteur en scène et concepteur d'émissions de télévision Dominique Lévesque a succombé à une crise cardiaque, hier, à l'âge de 64 ans, alors qu'il faisait de la plongée en vacances au Honduras. De nombreux collègues de la colonie artistique sont en deuil, à commencer par ses amis du défunt Groupe Sanguin.

«Je suis encore sous le choc», confie l'humoriste Marie-Lise Pilote, évoquant la perte soudaine d'un ami précieux, qui avait d'ailleurs fait la mise en scène de son dernier spectacle. «C'est Dany [Turcotte] qui m'a appris la nouvelle aux alentours de [16 h]. On s'est tous parlé les uns aux autres, et tout le monde qu'on connaît. C'était sa première journée de vacances au Honduras, je crois. Nous avions soupé ensemble il y a un mois chez Dany. Ça nous prend par surprise. C'est difficile de savoir que sa blonde est là-bas, avec leur enfant. Je trouve ça épouvantable. C'est trop bizarre de parler de lui au passé.»

La mort a fauché brutalement celui qui incarnait le célèbre personnage du «gars fatigué» qui a fait rire tout le Québec.

Or, Dominique Lévesque était un travailleur infatigable et acharné, nous dit le cinéaste Émile Gaudreault, qui a fait ses débuts avec le Groupe Sanguin, collectif formé de Lévesque, Dany Turcotte, Marie-Lise Pilote et Bernard Vandal, très populaire dans les années 80. Les membres du groupe se sont rencontrés au cégep de Jonquière, où Dominique Lévesque était professeur de théâtre. «Dominique, c'était un mentor, dit-il. Il a eu le leadership de créer une ligue d'impro, et ensuite le leardership de nous faire écrire des textes. C'est lui qui avait le plus d'expérience, il nous a transmis un perfectionnisme et une très grande exigence. C'était un maniaque des détails, et en comédie, on n'y échappe pas. J'ai une pensée pour sa femme, son ex, ses trois enfants. Je pense aussi à Marie-Lise et à Dany, qui étaient très proches de lui.»

Inconsolable, Dany Turcotte, avec qui Dominique Lévesque a formé le duo à succès Lévesque & Turcotte après la fin du Groupe Sanguin en 1990, a préféré réagir par écrit à cette triste nouvelle, alors qu'il est au Saguenay auprès de sa mère pour les vacances de Noël.

«Je viens de perdre mon mentor, mon meilleur ami et mon frère. Avec la mort de Dominique, c'est une turbine de création qui vient de s'arrêter brusquement.»

Ensuite, dans un communiqué, Dany Turcotte a ajouté: «Du plus loin que je me souvienne, il fait partie de ma vie. Son départ laisse un vide immense et me remplit de tristesse. Je garde de lui le souvenir d'un homme extrêmement engagé dans ses projets - peut-être trop? - et dont la plus grande fierté était ses trois beaux enfants.»

Un touche-à-tout

Dominique Lévesque était manifestement un touche-à-tout. Humoriste, bien sûr, mais aussi un temps professeur à l'École nationale de l'humour, collaborateur à la radio, ainsi que comédien, qui a joué dans quelques films comme Ding et Dong, La vie après l'amour, Le coeur au poing ou des séries comme Virginie et Blanche. Il était surtout ces dernières années concepteur et producteur de contenu pour des émissions de télé comme L'union fait la force, Au suivant ou Testé sur des humains. Dans une récente entrevue au Huffington Post, il songeait sérieusement à revenir à l'humour en solo. «Je me donne un an pour trouver la bonne idée, confiait-il. Pas nécessairement pour me rembarquer, mais pour me dire que je ne suis pas un has-been! Pour être sûr que ça fonctionne encore, que c'était vraiment un choix de quitter. Parce qu'on est partis en pleine gloire, avec Lévesque et Turcotte.»

«Dominique était un adulte bienveillant qui nous a amenés à nous élever, et que nous avons rencontré quand nous avions 19 ou 20 ans, se souvient Émile Gaudreault. C'était notre naissance artistique. J'ai tout appris dans le Groupe Sanguin, j'en suis convaincu.»

«Dominique, c'était comme un grand frère, résume Marie-Lise Pilote. C'était un modèle, quelqu'un qui travaillait fort. Quand il faisait quelque chose, ce n'était jamais à moitié. J'étais très heureuse pour lui, j'avais l'impression qu'il était plus posé, moins stressé, qu'il avait une vie plus relax, qu'il était en amour. On ne sait jamais quand ça arrive. C'est triste, je ne sais plus quoi dire, je suis trop émotive.»

- Avec la collaboration de Luc Boulanger

La vie d'un touche-à-tout

Avant l'humour: Naissance le 10 juin 1952 à Bagotville. À la fin des années 70 et au début des années 80, Dominique Lévesque est professeur de français et de théâtre au cégep de Jonquière.

1983: Dominique Lévesque fonde une ligue d'improvisation pour les élèves du cégep de Jonquière. Parmi les meilleurs joueurs, les élèves Dany Turcotte, Marie-Lise Pilote, Émile Gaudreault et Bernard Vandal. Avec eux, Lévesque formera le Groupe Sanguin, qui fait un tabac dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

1986: Lancement officiel du Groupe Sanguin à Montréal avec un premier spectacle au Club Soda. Pour l'occasion, Dominique Lévesque et ses complices font la couverture du premier numéro du journal Voir, le 27 novembre 1986.

1987-1990: Le Groupe Sanguin jouera 150 fois à guichets fermés au Club Soda, puis 80 fois à guichets fermés au Spectrum de Montréal. Au plus fort de son succès, le groupe, désormais un quatuor après le départ de Bernard Vandal, se sépare en décembre 1990.

1992-2002: La moitié du Groupe Sanguin poursuit l'aventure comique sous le nom de Lévesque & Turcotte. Le duo va créer trois spectacles et faire autant de tournées au Québec. Dans les années 90, Dominique Lévesque joue aussi au cinéma (Ding et Dong, le filmLe coeur au poingLa vie après l'amour) et au petit écran (Virginie, Blanche).

Années 2000: «Le gars fatigué» prend sa retraite du métier d'acteur. Il fera de la radio et travaillera comme concepteur, producteur et scripteur au contenu d'émissions et de jeux télévisés. Il fera partie de l'équipe de plusieurs émissions et quiz, dont Fort Boyard, Les mordus, Testé sur des humains, Au suivant et L'union fait la force. Il est d'ailleurs le concepteur du jeu télévisé animé par Patrice L'Ecuyer. - Luc Boulanger

Photo archives La Presse

Avec ses collages d'extraits de chansons, ses pastiches, ses mimes, le Groupe sanguin a marqué l'humour québécois des années 80 et 90. Ci-dessus, Dany Turcotte et Dominique Lévesque.