Stéphane Rousseau lance ces jours-ci le DVD de son spectacle Un peu princesse, qui lui a valu l'Olivier du meilleur spectacle. L'humoriste, qui a eu 50 ans cette année, a décidé de prendre une pause prolongée de la scène pour écrire, dessiner et peindre. Mais pas avant de régler quelques comptes...

Marc Cassivi: C'est étonnant que tu fasses une ronde d'entrevues alors qu'essentiellement, tu annonces que tu vas prendre une longue pause de la scène...

Stéphane Rousseau: Je n'y tenais pas du tout! Mon entourage avait envie d'un petit coup d'éclat avant de partir. Je dois trouver ma raison d'être. Pourquoi je suis là. Où je me situe en ce moment par rapport à ce que j'ai fait dans le passé. Je ne sais pas combien de temps la pause va durer. Pour l'instant, je n'ai même pas envie de revenir. J'ai envie d'être dans mon atelier, de peindre et de dessiner, d'écrire - j'ai une idée pour une série - et peut-être de jouer un peu plus.

Marc Cassivi: Cette pause vient-elle d'un besoin de te réinventer? D'une lassitude par rapport à ce que tu fais?

Stéphane Rousseau: Il y a une certaine lassitude. Je suis remonté sur scène un peu trop rapidement. Mes trois derniers spectacles se sont enchaînés trop vite. C'était une erreur. Je n'avais pas l'énergie nécessaire pour le faire. Pour affronter les médias, le public. J'ai eu de la difficulté à reprendre le dessus. Je me sentais vide d'énergie. Les producteurs voulaient que je profite du momentum, mais ce n'était pas la bonne chose à faire. J'ai fait souffrir mon entourage; je n'étais pas motivé, tout me faisait chier. Je me demandais pourquoi je faisais ça, loin de mon garçon. Ce n'était pas des conditions idéales.

Marc Cassivi: Tu as envie de te faire davantage confiance...

Stéphane Rousseau: J'ai souvent l'impression de ne pas être sur mon X. Je connais déjà le résultat de mon show à l'avance. Le résultat de ma performance, de la critique, de la vente de billets. Je n'ai pas choisi ce métier-là pour que ce soit routinier. Je ne suis jamais entièrement satisfait du rendement. Et les résultats ont tendance à décliner un peu, parce que je fais partie des meubles. Gagner un nouveau public, ce n'est pas simple. Je suis content d'être allé ailleurs, d'être plus corrosif. Je suis perçu comme un gars qui veut être aimé, qui ne va pas beaucoup en profondeur. J'ai réussi à casser le pattern, sans perdre le public qui aime Mme Jigger. Ce sont mes personnages que les gens aiment. Stéphane reste insaisissable, même pour moi aujourd'hui.

Marc Cassivi: Tu ne dis pas que la scène, c'est fini pour toi...

Stéphane Rousseau: Probablement que dans deux ans, je vais trouver que la scène me manque. Ça fait 35 ans que j'en fais. J'ai commencé avec Roméo Pérusse dans des bars de danseuses. Je suis fier du chemin parcouru, même si je n'ai jamais été, tu le sais, un intouchable. Il faudra, dans mon prochain spectacle, que je sois encore plus pertinent. Je ne veux pas répéter ce que j'ai déjà fait. Il y a beaucoup de gens qui me disent que je suis plus intéressant dans mes dessins que sur scène. Mais je sais très bien qu'on va aussi m'attendre avec une brique et un fanal avec mes dessins. Où que j'aille, on m'attend avec une brique et un fanal. J'aime le jeu... au grand dam de certains. Je n'ai pas encore proposé tout ce que j'avais à proposer au cinéma, à la télé. Les humoristes, on est toujours regardés, pas nécessairement de haut, mais...

Marc Cassivi: Avec scepticisme? Tu as souffert de ça?

Stéphane Rousseau: Tu en sais quelque chose... Je suis très sensible aux critiques. Si tu me dis un truc - que ce soit toi ou un autre -, parfois ça relève de la mauvaise foi. «Le film est bien, mais j'enlève une étoile parce que Stéphane Rousseau joue dedans.»

Marc Cassivi: J'ai souvent été dur avec toi...

Stéphane Rousseau: Je le sais! T'es pas le seul. Au Québec, on a été beaucoup plus dur avec moi au cinéma qu'en France. Je ne suis pas intouchable. Vous vous en donnez à coeur joie avec moi.

Marc Cassivi: Pourquoi?

Stéphane Rousseau: Probablement parce que je n'ai pas fait assez attention à certains choix. J'ai fait quelques erreurs qui se sont répétées. On m'a remis sur la tête Les dangereux pendant des années!

Marc Cassivi: On est plus indulgents avec certains qu'avec d'autres...

Stéphane Rousseau: Il y a des films bien pires, mais avec des acteurs intouchables. Alors on n'en reparle jamais. Mais comme c'est Véronique Cloutier et Stéphane Rousseau, on peut varger là-dedans tant qu'on veut. Il n'y a personne pour dire: «Tu n'aurais pas dû dire ça de Stéphane Rousseau.» Vous savez qu'on gagne bien notre vie, que nos salles sont remplies, ça participe à ça aussi. Je pense que certains rôles que j'ai joués, s'ils avaient été tenus par des acteurs obscurs que vous ne connaissez pas, le jugement aurait été très différent. Même si je ne crie pas au génie quand je me vois devant la glace!

Marc Cassivi: Tu n'es pas dupe du fait que certains de tes films n'étaient pas extraordinaires!

Stéphane Rousseau: Je pense à Astérix [aux Jeux olympiques, sorti en 2008] qui était un film très attendu à l'époque et qui a causé une déception. Comme j'étais le seul Québécois, j'ai tout absorbé ici. On m'a offert un rôle à peu près insipide. Je le savais à la lecture du scénario. Je ne pouvais pas refuser ça. D'abord, pour le nombre d'euros qu'on m'offrait. Ensuite, pour côtoyer toutes ces grandes stars du cinéma: Alain Delon, Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde. Mon personnage avait 22 ans et trois phrases en 72 jours de tournage. Mais je suis content de l'avoir vécu et je le referais demain matin.

Marc Cassivi: Es-tu rancunier avec la critique?

Stéphane Rousseau: Je suis rancunier en général. C'est un défaut que j'ai. Quelqu'un me fait un mauvais coup, je peux le mettre de côté le reste de ma vie, sans problème. Ça m'arrive de pardonner, mais c'est plus rare. [...] J'ai vu que t'en avais rajouté une couche l'an dernier [sur Les invasions barbares]. T'interviewais Christian Bégin et tu as dit: «Moi aussi j'ai trouvé qu'il était correct, sans plus.» Mon tabarnak! (rires)

Marc Cassivi: Tu t'en souviens plus que moi! C'est Bégin qui avait dit ça à Tout le monde en parle...

Stéphane Rousseau: C'est la plus belle occasion que j'ai eue dans ma vie et il a gâché mon moment! J'arrivais de Cannes, j'ai gagné un Génie, mais il a ouvert une brèche. C'était rendu que même Allô Vedettes me blastait! On pouvait frapper sur moi. Je ne sais même pas pourquoi je reviens là-dessus... Parce que c'est toi. Ce qui m'a embêté plus que tout - et qui a sans doute confirmé ce que Christian racontait - c'est que Rémy [Girard, qui était à ses côtés sur le plateau de l'émission] ne m'a pas défendu. Je n'ai pas de complexe d'infériorité face à Christian Bégin. Pourquoi j'en aurais, sincèrement? Ce qui m'a plus peiné, c'est de ne pas être défendu par Rémy. Je le sais bien que je ne suis pas chevronné comme M. Girard.

Marc Cassivi: T'as senti que vous n'étiez pas de la même gang?

Stéphane Rousseau: Il me serrait très fort dans ses bras à Cannes, mais je me suis demandé à quoi ça rimait. Je me suis remis en question. Est-ce qu'un autre aurait fait une meilleure job que moi? Les gens révisaient leur jugement. C'était une situation assez particulière. Christian n'aurait jamais fait ça à un ami acteur. Même s'il avait trouvé son jeu correct sans plus. Il s'est excusé à la radio. Je l'ai apprécié. Je n'ai rien contre lui. Je n'ai rien contre toi, Christian! Mais c'est des coups durs à prendre sur la place publique. Il aurait fallu que je refuse le rôle? Un acteur inconnu l'aurait joué exactement comme moi, je ne pense pas qu'on l'aurait jugé comme vous m'avez jugé. Vous auriez dit que c'est un travail de composition extraordinaire. J'en suis convaincu... Heille! Vas-tu arrêter de bâiller pendant que tu fais l'entrevue avec moi? Je pense que ça fait huit bâillements que tu retiens!

Marc Cassivi: Pantoute! C'est ta technique pour déstabiliser ton intervieweur? Ça m'intéresse, au contraire!