Quel étonnant destin que le Hairspray de John Waters. De l'underground... à Broadway! À l'origine, en 1988, il s'agissait pour cette icône de la contre-culture de son premier film «grand public», après les provocations punk de Pink Flamingos ou Polyester. Plus subtil dans la subversion, John Waters proposait avec Hairspray l'antithèse de Grease.

L'histoire de Tracy, boulotte américaine de Baltimore accro au Corny Collins Show, une émission de danse destinée aux jeunes en 1962 (genre Jeunesse d'aujourd'hui chez nous), où elle finit par voler la vedette aux maigrelettes, tout en prônant l'intégration des Noirs et des Blancs. Sa mère était jouée par Divine, célèbre travesti de la cinématographie de Waters. Ode au bouillonnement des années 60, la célèbre réplique de Tracy est: Mom, You're so Fifties!

John Waters s'est régalé toute sa vie des films de propagande anti-drogue et anti-sexe ou pro-tolérance, pro-abstinence. Il en a récupéré le ton pour Hairspray, qui aligne sans arrêt de «gros» messages sociaux sans aucune subtilité. Parce que la subtilité est ailleurs. Dans le choix des personnages. Tracy est grosse, sa mère aussi, et de fil en aiguille, Waters a créé pour Broadway le premier personnage de «jeune première» au fort gabarit, dont la mère est systématiquement jouée par un homme... Étonnamment, ce sont les «beaux» qui ont l'air ridicule dans cette histoire. Ce n'est pas rien! Hairspray, la comédie musicale, a même été récemment adaptée au cinéma avec John Travolta dans le rôle de la mère de Tracy.

Le show de Broadway, qu'on peut voir ces jours-ci à Montréal, respecte en grande partie l'esprit de Waters et l'on comprend pourquoi cette production a raflé en 2003 huit Tony Awards. Tout est trop dans ce spectacle, sans que cela soit pénible. Trop gros, trop drôle, trop absurde, trop exagéré, trop cliché, trop coloré et là pourtant réside tout le plaisir, qu'on n'a jamais en trop. Impossible de sortir de Hairspray de mauvaise humeur, d'autant plus que le casting de cette tournée est au poil (crêpé) et le spectacle parfaitement rodé.

Brooklynn Pulver dans le rôle de Tracy casse la baraque et se donne à fond; elle a la candeur, la fraîcheur, la voix et... fait le poids, disons! Sa mère Edna, joué par Jerry O'Boyle, a provoqué le fou rire de la soirée, tellement lui-même avait de la difficulté à se contenir tandis que Lisa Linette, en Motormouth Maybelle, incarnation suprême de la Big Black Mamma, a eu droit à l'approbation générale des spectateurs. La salle ne cessait de se réchauffer devant tant de générosité - au propre comme au figuré.

La plupart des numéros sont collectifs, animés, débordants comme les héroïnes. La partition irrésistible de Marc Shaiman (compositeur des musiques de film comme When Harry Met Sally, Beaches, Sister Act, etc.) ne contient pratiquement que des hits entraînants, très peu de ballades, ce qui donne droit à une suite ininterrompue de chorégraphies endiablées - c'est à se demander comment Tracy et Edna font pour garder leurs courbes.

Hairspray est un spectacle chaleureux en ces temps où l'on doit se serrer la ceinture... Avec cette petite dose d'humour tordu propre à John Waters en prime. Après avoir vu Hairspray, oui, on peut le dire: Bigger is Better.

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Hairspray, jusqu'au 19 avril à la salle Wilfrid-Pelletier de la PdA.