On ne peut dissocier Saint-Elie-de-Caxton de son conteur, Fred Pellerin. Et on ne peut évoquer ce village de la Mauricie sans que nous viennent à l'esprit les personnages de la Belle Lurette, l'effeuilleuse de marguerites, de Babine, le fou, et d'Esimésac Gélinas, l'homme fort à la recherche de son ombre, pour avoir tour à tour été les héros des trois premiers spectacles du conteur. Mais un nouveau nom s'ajoutera bientôt à cette liste: celui de la Stroop.

Pour la suite des aventures de Saint-Elie-de-Caxton, c'est le personnage de la sorcière du village qui a mérité l'attention de Fred Pellerin.

«La Stroop, c'est Steward Troop, une femme très riche qui est débarquée au village un jour. Elle a vite été sorciérisée parce que les gens n'arrivaient pas à la mettre dans aucune case. On ne savait pas d'où elle venait, elle ne pratiquait aucune religion, elle vivait en retrait, au Lac-aux-Sangsues. En fait, c'était une femme libre, une femme libérée», a expliqué Fred Pellerin.

Dans ce quatrième spectacle, intitulé «L'Arracheuse de temps», la mort est présente comme jamais elle ne l'a été dans les histoires du conteur, même si, en fait, elle y est totalement absente. «Pendant les trois ans et quatre mois qu'a vécu la Stroop à Saint-Elie, personne n'est mort. D'où le titre du spectacle. C'est comme si cette femme avait arraché, suspendu un peu de temps à tout le monde», a-t-il mentionné.

Et pourtant, le fil conducteur qui unit les contes en un spectacle, c'est la mort, ce sujet encore tabou que Fred Pellerin se dit content d'avoir abordé. «Aujourd'hui, dans nos sociétés, il y a une grande négation de la mort. On enlève tous les rites funéraires, on voue un culte à la jeunesse éternelle. Avec L'Arracheuse de temps, les gens vont continuer à rire beaucoup, mais ils vont aussi aller chercher d'autres émotions, chacun va être amené à vivre le deuil de façon différente», a soutenu celui qui a perdu son père peu de temps avant de commencer à travailler sur ce spectacle.

Fidèle à son habitude, le conteur s'accordera quelques chansons, offrant du même coup «un peu de répit aux spectateurs». «Comme je suis très verbo-moteur, ça fait respirer un peu le show.

ECa permet aux gens de roter de l'oreille, un peu comme un sorbet dans un souper 50 services», a-t-il illustré.

Les personnages des contes de Fred Pellerin, on les reconnaîtrait dans n'importe quel village. Ils incarnent des clichés gros comme le bras, et c'est probablement pour ça qu'on s'y attache. Mais ces stéréotypes, selon le conteur, ne s'appliquent pas qu'aux noyaux villageois du Québec de jadis; ils sont présents dès qu'un attroupement se forme.

«Je pense que c'est là partout, a dit Fred Pellerin. On peut observer ça dans une salle de classe ou au travail. Dès qu'il y a un groupe, il y a toujours une belle fille, un leader - l'homme fort -, un fou, un autre un peu plus bizarre qu'on craint un peu parce qu'on n'arrive pas à le saisir. Ca répond à quelque chose d'universel.»

Comme ce fut le cas pour «Dans mon village, il y a Belle Lurette», «Il faut prendre le taureau par les contes» et «Comme une odeur de muscles», «L'Arracheuse de temps» sortira en livre-CD. Il est attendu au début du mois de mai.

Un album de musique devrait aussi voir le jour au mois de novembre. «Ca va être un disque qui réunit les chansons que je fais en show», a précisé le conteur-musicien qui se débrouille plutôt bien au piano, à la mandoline, à la guitare et à l'harmonica.

Après viendra probablement le temps de commencer à plancher sur un nouveau spectacle, pourquoi pas! Le p'tit gars de Saint-Elie-de-Caxton n'est pas prêt de se taire. «Je cultive un fantasme: celui de faire neuf spectacles avec Saint-Elie, un pour chacun des neufs personnages, a-t-il indiqué. Après, seulement, je serai rendu à fermer ma gueule.»