Robert Benigni sera de passage à Montréal les 3 et 4 juin. Le Roberto Benigni de La Vita è Bella, clown drôle et touchant. Mais, aussi, le Roberto Benigni poète au service de celui qu'il considère le plus grand des poètes: Dante Alighieri. Rencontre privilégiée avec un funambule des émotions.

«Ce sera la première fois que je mets les pieds à Montréal et vous savez combien les premières fois sont importantes et inoubliables», lance Roberto Benigni avec tous les sous-entendus que l'on imagine... parce qu'il vous laisse les imaginer.

Après tout, il rencontre La Presse à Londres (où il sera en spectacle dimanche) pour parler de Tutto Dante, le one man show qu'il vient présenter en juin au Théâtre Saint-Denis, à l'invitation de Juste pour rire. Un spectacle dans lequel il explore, à sa manière ludique et passionnée, qui peut aussi être grave, La divine comédie de Dante. Or, selon lui, il est clair que «le rapport à Éros, à l'amour, a changé après que ce texte a été lu au monde».

Il le sait ô combien, lui qui fréquente «ce chef-d'oeuvre universel» depuis... depuis toujours. «Je n'ai pas choisi Dante, c'est Dante qui m'a choisi. Adulte, quand je l'ai lu, j'applaudissais certains vers, je me disais: «C'est de moi qu'il parle, là! Il me connaît profondément.» Mais en fait, je l'ai «rencontré» très petit parce qu'en Toscane, Dante est une tradition. Mes grands-parents le citaient, ma mère me le citait et me le donnait en exemple: «Tu dois être brave comme Dante, tu dois connaître toutes les choses du monde comme lui et... et tu dois m'obéir.»»

On imagine que la phrase se termine dans un éclat de rire. En effet. Un tête-à-tête avec Roberto Benigni, c'est avoir le bonheur d'assister à un one man show pour spectateur unique. On se sent choyé. Parce que même s'il s'emballe au point où le mot «volubile» semble un euphémisme pour décrire son débit, si ses mains virevoltent et dessinent avec fébrilité ses mots dans l'espace, si ses yeux plongent loin loin dans ceux de son interlocuteur, il le fait avec coeur et pour servir un propos qu'il assure plus grand que lui. Bien plus grand: «Je suis une chandelle par rapport au soleil, quand j'illustre Dante», affirme celui dont la tragicomédie La Vita è Bella a remporté trois Oscars en 1998.

Et quand il dit cela, on le croit. Et on attend qu'il poursuive. Et, bien sûr, il poursuit: «La poésie de Dante, fait-il avec gourmandise, est une poésie que tu dégustes, que tu sens comme de la nourriture. C'est un livre avec lequel tu peux faire l'amour.»

Pourtant, il est conscient que les gens qui ont entendu parler de La divine comédie sont beaucoup plus nombreux que ceux qui l'ont lu. Il sait donc aussi que sa popularité est le premier facteur expliquant le succès de ce Tutto Dante qu'il a créé en 2006 et qui, depuis, a rejoint plus de 1 million d'Italiens. D'où l'intérêt suscité, de plus en plus, outre frontière.

«Les gens viennent voir le clown, l'homme qui critique les politiciens, celui qui aime parler d'amour et de sexe. C'est lui qu'ils rencontrent dans la première partie de Tutto Dante. Mais après, je les emmène dans ce voyage inouï à travers les mots de Dante. Et ils m'y suivent dans un silence religieux.» Même s'ils sont 40 000, comme à Sienne. Ou 50 000, comme à Padoue.

Mais avant, les rires. Roberto Benigni ne les oublie pas. Ne peut les oublier: les provoquer est le fondement de son art, l'un de ses désirs les plus forts. «Ça a commencé le jour où j'ai sciemment fait rire ma mère. Pour moi, une femme qui rit est une des formes de la félicité. Une femme qui rit, c'est divin et en la faisant rire, moi, je deviens l'autel de cette félicité», raconte ce fils «de paysans sans terre et sans maison» qui a grandi «dans la dignité de la pauvreté».

Et c'est avec cette dignité qu'en deuxième partie du spectacle, le clown se met, totalement, au service du poète.

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TUTTO DANTE de Roberto Benigni, au Théâtre Saint-Denis 1, le 3 juin (en italien) et le 4 juin (en français et italien avec surtitres français). Billets en vente demain (69$ à 175$, prix spécial pour les étudiants).

Les frais de voyage de ce reportage sont en partie payés par le festival Juste pour rire.