On dit que toute vérité n'est pas bonne à dire. L'histoire de Jean-François Bouchard prouve le contraire. C'est parce qu'il exprimait à haute voix son opinion négative sur l'aménagement d'une boutique du Cirque du Soleil que le Septilien a été invité à se joindre à l'institution montréalaise, dont il est aujourd'hui le directeur de création principal. De sa Côte-Nord natale à Las Vegas en passant par Montréal, le designer d'environnement rentre «à la maison» le temps d'un spectacle, celui du 400e anniversaire de Québec.

Passionné d'architecture et d'urbanisme, Jean-François Bouchard a fait sa marque dans le monde du design montréalais au milieu des années 80 en habillant des banques, des bars (Bain Douche, Bowling Bar, L'Opéra) et des boutiques de vêtements. C'est justement son incursion dans l'univers de la mode qui, à la fin des années 90, l'amenait à Las Vegas, où le créateur de 47 ans a profité de son séjour pour assister à une représentation du spectacle Mystère du Cirque du Soleil.

 

«Je sortais du spectacle et je suis allé visiter la boutique du Cirque. Le spectacle m'avait donné la piqûre, mais je ne trouvais pas que la boutique reflétait ce que j'avais vu. Alors j'ai critiqué à voix haute en français en pensant que personne ne comprendrait...»

Jamais n'aurait-il soupçonné qu'une oreille intéressée - celle de la responsable des produits dérivés du Cirque - l'écoutait. Cette dernière allait inviter Jean-François Bouchard à faire «son pitch» au fondateur du Cirque, Guy Laliberté, à son retour à Montréal.

Lorsqu'il raconte le moment qui allait modeler le reste de sa carrière, Jean-François Bouchard a un sourire dans la voix.

«Par un concours de circonstances, je me suis retrouvé avec une offre d'emploi permanent au Cirque. Ç'a été difficile pour moi, j'avais une boîte qui marchait bien (Bouchard Design). Mais après un mois au Cirque, j'étais persuadé que j'avais pris la bonne décision.»

Gars de partys

Il faut dire que ce ne sont pas les projets stimulants qui ont fait défaut au designer depuis son arrivée dans la multinationale du rêve. En très peu de temps, il est devenu l'architecte des légendaires partys de F1 de Guy Laliberté, des tapis rouges de premières (), d'événements spéciaux (prestation du Super Bowl à Miami), ainsi que d'environnements comme le Beatles Revolution Lounge au Mirage de Las Vegas, un bar dont la thématique s'inspire du spectacle LOVE du Cirque du Soleil. C'est aussi lui qui a créé l'ambiance des tentes d'accueil des chapiteaux de tournée.

«Pour chaque projet, un spectacle ou un thème est sous-jacent. Je m'inspire beaucoup de ce que l'équipe de production fait du spectacle et j'essaie de trouver un parallèle. L'idée, ce n'est pas de créer la même chose, mais de faire ressortir des éléments forts, de donner des teasers aux gens. Par exemple, avec Revolution, je ne me suis pas tant inspiré du spectacle que d'une chanson, Lucy in the Sky With Diamonds. Il y a aussi le nom Revolution. C'est une chanson des Beatles, mais quand on le lit à l'envers, on retrouve le mot «love» dedans...»

Entre le design d'environnement et la direction de création, il y a toutefois un pas. Si le premier demande une créativité sans limites, le second exige en plus des qualités de leader. Surtout lorsqu'il s'agit d'orchestrer le travail de grandes équipes sur des projets gigantesques comme la production sur l'histoire du cinéma hollywoodien qui sera présenté au Kodak Theater de Los Angeles en 2010. Ou encore un événement ponctuel, mais chargé émotivement, comme le spectacle du 400e anniversaire de Québec.

«Le plus grand défi, c'est de mettre tous les créateurs d'un projet sur la même piste. Moi, ensuite, je dois répondre devant Guy Laliberté des résultats du spectacle. (...) Mon avantage, c'est que je suis un créateur moi-même. Et comme j'ai travaillé longtemps dans la prise de décision, j'arrive à jauger les idées des créateurs», fait savoir Jean-François Bouchard, tout en précisant que l'ultime réussite est «de toucher Guy Laliberté».

Fier de ses origines

Peu importe l'échelle des projets, le directeur de la création teinte toujours ses «bébés» de sa région natale, à laquelle il est demeuré très attaché.

«Je viens d'une famille où l'art était très important. Chez nous, nous étions constamment en contact avec la musique, la peinture, la danse. Même si nous venions d'une région éloignée, ma mère nous stimulait beaucoup dans ce sens-là. Sept-Îles est un endroit où je retourne toujours pour me ressourcer...»

Sur la route vers la Côte-Nord, il y a inévitablement Québec. En ce sens, le spectacle du 400e révèle une importance particulière aux yeux de son directeur de la création.

«Québec fait partie de mes origines. Quand on a reçu la proposition de travailler sur ce projet, mon équipe et moi, on l'a très très bien accueillie. C'est un autre défi dont je suis très fier.»

S'il est tenu au secret sur le contenu de ce spectacle-événement, présenté les 17, 18 et 19 octobre au Colisée, Jean-François Bouchard espère que le public se laissera transporter par sa magie.

«Ce que je souhaite, c'est que ça fasse rêver les gens. Si chaque personne peut repartir avec un sourire au visage, je serai déjà très très heureux», a-t-il soutenu, insistant sur l'importance pour le public de participer activement à l'échange de cadeaux (d'une photo) qui a été imaginé par son équipe.

Après Québec, l'attention du créateur se tournera de nouveau vers Los Angeles, où l'attend son prochain défi.

«Chaque projet a besoin d'une attention particulière, mais il est évident qu'on a une plus grande responsabilité avec un spectacle permanent. Surtout dans un cas comme celui de Los Angeles. C'est un sujet assez intéressant. D'autant plus que tout le monde aime le cinéma. De mon côté, il a fallu que je fasse le vide des genres que j'aime. Avec ce projet-là, il fallait trouver une façon de toucher à tous les styles. Je pense que nous sommes arrivés à une formule intéressante, mais il nous reste encore beaucoup de chemin à faire...»



L'équipe étoilée derrière Jean-François Bouchard...


Pour la création du spectacle-événement du 400e anniversaire de Québec, Jean-François Bouchard s'est entouré d'une équipe aguerrie. Tous, sans exception, possèdent une feuille de route étincelante, que ce soit en solo ou au sein du Cirque du Soleil. Voici un survol des réalisations de quelques-uns d'entre eux, où la sensualité est inévitablement au rendez-vous.> Jacques Boucher, sonorisation

Certains feraient des pieds et des mains pour avoir... ses oreilles. Jacques Boucher est un sonorisateur hors pair qui a notamment réalisé le «miracle» de la Symphonie des Mille de Mahler au Colisée, un amphithéâtre qu'il connaît bien pour y avoir installé son nouveau système de son. On l'a également vu derrière le pupitre de mixage de la 9e de Beethoven, de Starmania, de Rick Wakeman et de Richard Séguin.

> Alain Vinet, musique

DJ favori de Guy Laliberté, Alain Vinet occupe aujourd'hui le poste de directeur musical du Cirque du Soleil. Des albums de remixes (notamment Tapis rouge) aux soirées de première en passant par les créations originales, le Montréalais est l'artisan de la signature sonore moderne du Cirque du Soleil. Pour le spectacle du 400e, il s'est entouré des arrangeurs Guy Dubuc et Marc Lessard. On doit à ces derniers la musique de Soleil de Minuit, en plus des thèmes de téléséries comme Casino, de Réjean Tremblay, ou de films, comme Les voisins Dhantsu, de Réal Béland.

> Nathalie Gagné, maquillage

Originaire de Trois-Pistoles, dans le Bas-du-Fleuve, la conceptrice de maquillages Nathalie Gagné a longtemps oeuvré dans le monde du théâtre, du cinéma et de la télévision avant de se joindre au Cirque du Soleil. Sa contribution, dans l'élaboration de l'identité de chaque personnage, est énorme. Elle est responsable des maquillages des spectacles Mystère, Alegría, Saltimbanco, Quidam, O, La Nouba, Varekai, Zumanity, , Corteo, Delirium, LOVE et Zaia. Outre le spectacle-événement du 400e de Québec, elle a également élaboré les maquillages de la prochaine production permanente du Cirque du Soleil à Las Vegas, Criss Angel Believe.

> Géodézik, projection vidéo

La boîte montréalaise Géodézik, formée de Jimmy Lakatos, Mathieu St-Arnaud, Raymond St-Jean et Olivier Goulet, se spécialise dans le design et le multimédia appliqués à la projection vidéo. Son travail a pu être apprécié par des millions de personnes à l'occasion des tournées Future Sex/Love de Justin Timberlake, Sam's Town des Killers, ainsi que dans le spectacle Zaia du Cirque du Soleil, présenté à Macao en Chine. Parmi les autres clients de Géodézik, nommons Cher, Linkin Park, Bette Midler, les prix Juno, le gala de l'ADISQ, la Soirée des Jutra, Stéphane Rousseau, Elvis Story et l'OSM.

> Stéphane Boko, chorégraphie principale

Le Marseillais d'origine est célébré pour ses talents d'interprète et de chorégraphe. Assistant-chorégraphe de Notre-Dame-de-Paris et chorégraphe principal de Starmania Opéra, il a été aussi vu auprès de Prince et Céline Dion, en plus de collaborer avec plusieurs troupes prestigieuses, notamment Carbone 14, le Ballet de l'Opéra de Toulon, les Ballets noirs de Paris, la Footprints Dance Company de New York et le Ramon Oller Dance Theratre de Barcelone.