Si l'année musicale 2011 appartient aux femmes, c'est d'abord grâce à Anna Calvi qui a leur ouvert la voie en lançant le 17 janvier dernier son magnifique premier album éponyme. Annoncée en grande pompe par le rayon musical de la BBC dans sa liste des artistes à surveiller en 2011, la jeune femme n'a pas déçu, ni en studio ni sur scène, où ses performances sont apparemment torrides... À ne pas manquer.

Depuis la sortie de l'album, on se bouscule au portillon pour s'entretenir avec la nouvelle sensation anglaise. Les entrevues s'enfilent, la demoiselle de 32 ans, née d'un père italien - «J'ai même de la famille à Montréal, du côté de mon père», glisse-t-elle au passage- et d'une mère anglaise, apprend à composer avec les revers du métier (lire: parler aux journalistes!) en gardant la tête froide.

«J'ai fait assez rapidement mon disque, dit-elle. C'est aussi un peu ça, le métier de musicienne. Je ne vois pas le temps passer, mais je n'ai pas l'impression que tout va trop vite autour de moi, avec ma carrière qui monte.»

Anna Calvi, l'album, en lice pour le prestigieux prix du disque Mercury (l'équivalent britannique du prix Polaris), se révèle mieux après plusieurs écoutes, car tout ce qui nous frappe au premier coup d'oreille, c'est sa voix. Suave, brûlante, coulante. Un timbre et un phrasé qui rappellent Siouxie, sans l'apparente froideur new wave, mais avec toute sa gravité. Ce n'est qu'ensuite que l'on mesure la finesse de sa plume, la polyvalence de son jeu de guitare, un instrument qu'elle a appris à maîtriser en autodidacte, bien qu'elle ait étudié la musique - le violon, mais elle joue aussi du piano.

«La guitare, tout simplement, j'ai appris à en jouer en écoutant des vieux disques», ceux de son père, mélomane. «Jimi Hendrix, Django Reinhardt», précise-t-elle, deux influences guitaristiques qu'elle cite à qui veut l'entendre et qui, très justement, circonscrivent le son qu'elle développe sur ce premier album.

Côté voix, l'apprentissage fut différent. Calvi a joué dans des groupes pendant plusieurs années, a enregistré pour d'autres, composant ses chansons en secret. «Je n'ai vraiment commencé à chanter et à songer à une carrière solo qu'il y a cinq ans environ», dit-elle en citant Piaf comme inspiration.

Elle n'y croyait pas vraiment non plus, à sa carrière, même en donnant ses premiers concerts solos. On l'y a poussée: Laurence Bell, patron de Domino Records, l'a signée sur-le-champ lorsqu'il l'a vue sur scène. Nick Cave a insisté pour qu'elle assure la première partie des concerts de Grinderman, il y a quelques mois. Brian Eno a craqué pour elle en voyant des bouts de films sur YouTube: «Brian a été d'un soutien incroyable à mon égard. Moins pour donner des conseils que pour partager avec moi sa passion pour la musique. Un homme enrichissant.»

Ne jamais se fier à une entrevue pour présumer d'un spectacle. Au bout du fil, la demoiselle est chaleureuse mais timide, sert souvent des demi-phrases en guise de réponse. Mais lisez les critiques: Calvi nous chauffe. Intimistes, ses performances, dit-on, mais enflammées. Elle est aussi une guitariste très douée, soyez-en prévenu.

Une chanson rock sans âge qui s'écoute les lumières tamisées. Ou pendant un dîner aux chandelles. Sur une grande scène, à l'affiche d'un mégafestival extérieur? Faudra voir.

«De loin, je préfère les concerts que le travail en studio. Jouer devant des gens me rend bien, c'est ça mon vrai travail. Même si ma musique est intérieure, que les clubs rendent mieux la proximité que je recherche avec les gens, je me sens à l'aise dans n'importe quel contexte, les grands festivals comme les petites salles.» On insiste: à ne pas manquer.