Pas évident de rebondir après avoir remporté le prestigieux prix Polaris en 2009, pour l'excellent album The Chemistry of Common Life. C'est pourtant ce qu'a accompli le groupe torontois Fucked Up en 2011: David Comes to Life, un album de 18 titres lancé au début juin, a récolté les meilleures critiques qu'un groupe puisse souhaiter sur la planète rock.

Moyenne de 86 pour ces textes recensés auprès de 33 périodiques de référence (américains et britanniques) et relayés sur le site Metacritic. La critique est certes une science inexacte, mais une telle convergence en dit long sur l'appréciation d'une oeuvre. Nous nous joignons au cortège de félicitations. Voilà autant de facteurs qui ajoutent à la motivation de cette interview téléphonique, le premier étant le concert de Fucked Up au festival Osheaga.

«David Comes to Life est un album concept, un opéra rock, une longue histoire», amorce le guitariste Josh Zucker, alias Gulag, joint à Vancouver la semaine dernière. Le musicien en explique la trame dramatique, répartie en quatre actes: «David est un personnage qui surgit dans plusieurs chansons de Fucked Up -il a été l'agent fictif du groupe. Nous avons entrepris d'en faire le personnage central de notre nouvel album. Ainsi, il est devenu le protagoniste d'une histoire d'amour. Au début de l'histoire, David est amoureux de Veronica, tout baigne jusqu'à ce que la tragédie se produise: Veronica meurt. David est perdu et abattu et l'histoire de cet album se construit autour de son lent retour à la vie.»

«Des choses négatives se produisent dans toutes les existences, mais la vie prévoit un renouveau à ceux qui surmontent les plus dures épreuves. Racontée en chansons et déclinée sur des thèmes universels, cette histoire demeure une fiction, mais... comme toutes les fictions, elle s'inspire d'expériences personnelles», explique notre interviewé.

Histoire d'amour punk/hardcore, donc? «Bien entendu, convient Josh, ce concept d'opéra rock n'a rien de neuf. Nous n'avons pas d'influences directes en ce sens, mais... Pour la théâtralité de l'affaire, nous avons bien sûr écouté Bowie et autres Who.»

Chose certaine, après de multiples écoutes de David Comes to Life, on peut dire que le sextuor ontarien a acquis un son qui dépasse largement la notion de punk/hardcore. Doit-on attribuer ce changement au réalisateur new-yorkais Shane Stoneback, qui a déjà travaillé avec Vampire Weekend, Sleigh Bells ou Cults?

«Il nous a fait travailler sur plusieurs couches d'enregistrements, relate Josh Zucker. Il nous a poussés à créer un son particulier en préconisant la surimpression de plusieurs guitares. Cela représentait beaucoup de travail au mixage, nous voulions faire en sorte que cette gadoue de guitares puisse rester pertinente. Shane a abattu un boulot superbe en ce sens»

On en déduira que Fucked Up ne craint pas les productions sophistiquées, même si le groupe est issu d'une esthétique préconisant la rugosité et l'expression brute - voix rauque et rugissante du soliste Damian Abraham, bourdonnement de distorsion côté guitares, etc.

Très difficile pour un tel groupe de procéder à ces mutations tout en conservant sa crédibilité originelle?

«Notre son a toujours changé, soutient Josh. En partie, cela est attribuable à l'amélioration de chacun sur chaque instrument et de notre intérêt soutenu pour le travail en studio. Il s'agit d'une progression naturelle, je crois.»

Cela dit, il ne faut pas s'attendre à l'interprétation de l'intégrale à la prochaine escale montréalaise.

«Dans le cadre de notre tournée estivale, nous jouons certaines des nouvelles chansons, mais nous en jouons aussi de nos albums précédents. Cependant, nous pensons actuellement à un spectacle où nous pourrions faire exclusivement le matériel de David Comes to Life. En attendant, ce que vous entendrez et verrez à Osheaga, c'est du bon vieux Fucked Up, qui entame sa deuxième décennie d'existence.»

Dans le cadre du festival Osheaga, Fucked Up se produit ce soir, 22h10, scène des Arbres au parc Jean-Drapeau.