Au début des années 90, le groupe californien Pavement a jeté les bases du rock indépendant moderne. S'il avait les idées d'avant-garde dans son camp, la gloire, elle, n'est jamais vraiment venue. Pavement récolte aujourd'hui le fruit d'une décennie d'exploration rock.

Lendemain de veille décuplé par un décalage horaire pour Scott Kannberg, qui partage avec Stephen Malkmus les fonctions de guitariste et chanteur de Pavement. On l'attrape au petit matin, les oreilles qui bourdonnent encore de la clameur de la foule qui a accueillis les membres du groupe en héros au Pitchfork Festival de Chicago. Pour ajouter au poids des larsens persistants, de lourdes explosions se font entendre derrière la voix du musicien: «T'imagines, ils sont en train de tourner Transformers 3 juste en dessous de la fenêtre de ma chambre d'hôtel», râle-t-il.

«Mais c'était cool, le Pitchfork, enchaîne le musicien. Au moins 20 000 personnes, une bonne vibe. Dans la foule, pas mal de jeunes. Ils connaissaient les paroles des chansons, en plus - les jeunes ont si facilement accès à la musique, je suis plus ou moins étonné qu'ils nous connaissent autant.»

Kannberg est modeste. Avec deux décennies de recul depuis la création de Pavement, en 1989, il faut bien admettre que ces cinq rockeurs atypiques ont eu une vision musicale originale pour l'époque, entre rock lo-fi et pop d'auteur, mais assimilée aujourd'hui par toute la scène indie.

Inspirés principalement par les groupes de la vague post-punk - The Replacements, The Wire et The Fall, évidemment, à qui on les a souvent comparés -, les gars de Pavement ont d'abord enfilé les albums-cassettes à distribution confidentielle avant d'être repérés par Matador, alors un label naissant. La maison new-yorkaise a lancé en 1992 leur premier grand disque, Slanted and Enchanted, un chef-d'oeuvre de pop distorsionnée qui, dans l'ombre du Nevermind de Nirvana, était toutefois condamné à un succès d'estime.

Les Crooked Rain, Crooked Rain (1994, moins minimaliste, plus classique dans ses compositions) et Wowee Zowee (1995, près des racines expérimentales) qui ont suivi sont tous aussi bardés de ces classiques que le groupe promet d'interpréter à Osheaga ce soir, 10 ans après une dissolution officieuse et chaotique, au terme d'une tournée que d'aucuns à l'époque n'hésitaient à qualifier de catastrophique...

«Ouais, dit Konnberg, je suis au moins aussi surpris que vous que Pavement soit de retour sur scène. Quand même, j'ai toujours gardé espoir que Pavement allait revenir un jour. Ce qui me surprend le plus, c'est que ce soit arrivé aussi rapidement.» Stephen Malkmus menait depuis 10 ans sa propre carrière solo, avec succès, quand l'idée de la réunion s'est imposée. Konnberg, lui, travaillait au sein du groupe Preston School of Industry, et a lancé en octobre dernier son tout premier album solo, The Real Feel, sous son nom de scène Spiral Stains.

«Quant aux histoires de mésentente entre nous, ce sont des trucs pour les médias. Il n'y avait pas de mésentente, pas de hache de guerre à enterrer. Ça a tout été gonflé par vous! Et c'est très bien comme ça, on a toujours aimé un peu de controverse», parmi lesquelles cette fameuse prise de bec entre Pavement et les Smashing Pumpkins, la version américaine de la rivalité britpop opposant Blur à Oasis.

Question à 1000$: après la tournée, un nouvel album studio? «Hmmm, peut-être, pourquoi pas, répond franchement Scott. Au fond, c'est juste une question de temps qui manque à tout le monde. Faudra voir...»

Et cette fois, vous allez donner de vraies bonnes performances? Parce que Pavement en concert n'a jamais été particulièrement palpitant, dit la légende... «Au début, c'était étrange de rejouer nos vieilles chansons, mais une fois le premier concert donné, tout s'est remis en place. Nous sommes à l'aise, maintenant, et comme on ne joue que nos hits, ça fonctionne, juge-t-il. Je peux dire qu'on donne nos meilleurs concerts en carrière.»

Ce soir, 19h15, à Osheaga.