Le Tunisien Sabry Mosbah donnera demain le coup d'envoi des 32es Nuits d'Afrique, soit le plus important festival montréalais se consacrant à la mouvance musicale d'ascendance africaine et à ses ramifications mondiales. Fils du légendaire Fela, le Nigérian Femi Kuti en sera la première tête d'affiche, jeudi au MTELUS.

Présentée en salle ou, gratuitement, au Parterre du Quartier des spectacles, la programmation des Nuits d'Afrique comprend aussi une importante délégation de femmes auteures, compositrices, interprètes et leaders esthétiques - on pense notamment à Meklit, Américaine d'origine éthiopienne, ou à la chanteuse franco-algérienne Djazia Satour.

Programmateur du festival, Colin Rigaud les aurait certes choisies dans ses suggestions, il aurait aussi sélectionné le projet Afrotronix du Montréalais d'origine tchadienne Caleb Rimtobaye, mais La Presse compte se pencher sur eux au cours des jours qui viennent. Voici huit choix éclairés, échelonnés jusqu'au 22 juillet.

Naâman

Au Théatre Fairmount, le samedi 14 juillet, à 21 h

«Largement inspiré par la culture jamaïcaine où il a séjourné à plusieurs reprises, ce jeune chanteur français se trouve au sommet de sa carrière en Europe. Il en surprendra plus d'un avec sa voix qui rivalise avec les plus grands chanteurs de reggae actuel. "Je n'ai pas la gueule de ma voix", dit-il.  Beyond, son plus récent album, mêle des influences old school à des sonorités plus modernes inspirées du hip-hop et de la soul. Ce concert est proposé dans le cadre de la série Nuits d'Afrique Sound System. Naâman sera accompagné de son DJ Fatbabs.»

Comment, au fait, un jeune homme originaire de Dieppe peut-il accéder à une telle assimilation de la culture jamaïcaine? En décembre 2017, rapporte son profil biographique, Reggae Vibes Magazine consacrait sa une à Naâman aux côtés de Chronixx, star montante de Jamaïque déjà interviewée par La Presse, facteur de relance du reggae planétaire. Naâman aussi? Chose certaine, le Français de 28 ans chante avec l'accent jamaïcain, sa voix éraillée se confond avec celles ayant marqué le répertoire. Beau cas d'appropriation culturelle ? Une mouvance dogmatique pourrait effectivement s'en formaliser... pendant que la communauté reggae l'accueille à  bras ouverts. Pour vous faire une tête, écoutez ses albums: Deep Rockers, Back a Yard (2013), Rays of Resistance (2015) et Beyond (2017).

PHOTO EMMA BIRSKI, FOURNIE PAR NUITS D’AFRIQUE

Naâman

Noubi

Au Ministère, le samedi 14 juillet, à 20 h 30

«Installé à Montréal depuis 2016, Noubi s'impose sur la scène locale. Après avoir reçu le Syli de bronze en 2017 et joué en première partie d'Amadou et Mariam, il sort son premier album ce vendredi sous l'étiquette Disques Nuits d'Afrique. Pour fêter cette sortie, son trio afrocoustik recevra sur scène plusieurs invités parmi lesquels Bia, Mamselle Ruiz, ou encore Carine au Micro.»

Auteur, compositeur, arrangeur, chanteur, guitariste et percussionniste (cajon), Noubi Ndiaye puise ses premières inspirations de son existence vécue en Afrique de l'Ouest et de ses migrations subséquentes en Occident. À Saint-Louis, au Sénégal, il faisait partie de l'ensemble Ndiol'Or Folk. Il se nourrissait alors des musiques modernes ou anciennes d'Afrique de l'Ouest et aussi de jazz, notamment celui du fameux percussionniste antillais Mino Cinelu. Il a voyagé, posé ses valises à Montréal il y a deux ans, pour ainsi fonder le Noubi Trio qui déborde largement le cadre de ses influences originelles: pop, reggae, funk, jazz. Vincent Perreault, guitare solo, et Carlo Birri constituent avec lui le Noubi Trio.

PHOTO FOURNIE PAR NUITS D’AFRIQUE

Noubi

Votia

Au Club Balattou, le lundi 16 juillet, à 20 h 30

«Menée par sa chanteuse Marie-Claude, fille de Granmoun Lélé, Votia fait partie de la très riche scène musicale réunionnaise d'où provient le maloya. Dans la famille de Marie-Claude, le maloya se transmet de génération en génération, elle est d'ailleurs entourée sur scène par plusieurs de ses enfants. Premier album du groupe sorti en 2016, Ansoumak propose un maloya influencé par le blues, la musique indienne, africaine, et par les rythmes qui ont accompagné ses différentes tournées.»

Issue d'une famille de musiciens dont le défunt père fut un artiste incontournable de La Réunion, avant de se tailler une réputation nationale, Granmoun Lélé chante dans les Kabars, ces lieux où l'on dansait au son des instruments traditionnels. Marie-Claude Lambert fut mise dans le coup dès l'enfance, elle a accompagné papa Granmoun Lélé tout au long de sa carrière avant de prendre la barre de Votia, qui porte le nom de sa mère malgache. Outre les modèles paternel et maternel, il y avait d'autres vedettes locales parmi ses influences, mais aussi James Brown, Erykah Badu, des artistes du blues. Le maloya suit sa route...

PHOTO Olivier Padre, FOURNIE PAR NUITS D’AFRIQUE

Votia

Flavia Coelho

Sur le Parterre du Quartier des spectacles, le mercredi 18 juillet, à 21 h 30 (gratuit)

«Cette pétillante chanteuse brésilienne propose un style bien à elle, mélangeant les rythmes brésiliens à des influences africaines et caribéennes. Avec seulement trois personnes sur scène, ce show sera un concentré d'énergie festif et métissé. Au fil de ses spectacles et enregistrements, Flavia Coelho a pu collaborer avec de nombreux artistes issus de milieux différents tels que Tony Allen, Patrice et Cheik Lo.»

Issue d'une famille du Nordeste brésilien, Flavia Coelho est née à Rio de Janeiro et a vécu un moment à São Luís, soit dans la partie septentrionale du pays. Elle a obtenu ses premiers engagements professionnels dès l'âge de 14 ans, a voyagé en Europe au sein d'une troupe de carnaval et est ensuite venue tenter sa chance à Paris en 2006. En 2011, elle s'imposait au tremplin musical Génération Réservoir et sa carrière était lancée dans l'Hexagone. Bossa Muffin, son premier opus, a été lancé peu après, suivi de Mundo Meu en 2014 et de Sonho Real en 2016. Cette musica popular brasileira respire le plaisir, Flavia Coelho y reprend les grandes tendances de son pays sans bousculer quoi que ce soit - samba, bossa, baile funk, forro, mais aussi reggae et raggamuffin.

PHOTO FOURNIE PAR NUITS D’AFRIQUE

Flavia Coelho

Gabacho Maroc

Sur le Parterre du Quartier des spectacles, le jeudi 19 juillet, à 18 h (gratuit)

«Né par la rencontre entre des musiciens français, espagnols et marocains, ce collectif propose avec brio une fusion maîtrisée entre gnawa et jazz, pour en faire une musique transe exigeante et festive. Sorti cette année, l'album Tawassol est une invitation au voyage; de nouvelles influences viennent en enrichir les compositions - slam, reggae, musiques ibériques, etc.»

Gabacho Maroc, c'est la fusion du quintette de jazz franco-espagnol Gabacho Connection et de musiciens marocains férus de gnawa - rappelons que le style gnawa est un métissage créé à l'origine par les populations noires du Maroc, souvent d'anciens esclaves en contact avec les civilisations berbères et arabes. À ce style gnawa, Gabacho Maroc insuffle un esprit jazzy groove mâtiné d'afrobeat. Cette formation se compose du batteur Vincent Thomas, du bassiste Eric Oxandaburu, du saxophoniste alto Charley Rose, du saxophoniste ténor Baptiste Techer, du claviériste Willy Muñoz ainsi que de trois musiciens traditionnels marocains - Ba'kili Chouaib, chant principal et guembri, Youssef El Achab, chant et percussions, et Guefara Belatar, percussions.

PHOTO FOURNIE PAR NUITS D’AFRIQUE

Gabacho Maroc

La Nuit de la kora

Avec Prince Diabaté et Djely Mori Tounkara, au Gesù, le vendredi 20 juillet, à 20 h

«La Nuit de la kora est un rendez-vous incontournable du festival. Chaque année, il met de l'avant deux virtuoses de cette célèbre harpe africaine à 21 cordes. Cette année, l'invité international est Prince Diabaté, artiste originaire de Guinée, ayant un pied en France et l'autre aux États-Unis. Très jeune, il gagne un concours et est surnommé "le prince de la kora". Avec son allure déjantée et son utilisation très personnelle de la kora (il utilise parfois son instrument comme une percussion), le style de cet artiste est unique parmi les joueurs de kora.»

Prince Diabaté est issu d'une lignée de griots, caste traditionnelle de chanteurs, conteurs et musiciens dont la connaissance est transmise depuis des temps immémoriaux. Après avoir maîtrisé les traditions ancestrales, il s'est appliqué à la transcender en en élevant les standards techniques et en y intégrant des éléments stylistiques d'autres cultures, particulièrement le rock et le flamenco. Prince Diabaté s'inspire également de la tradition wassoulou, zone culturelle partagée entre le Mali, la Guinée et la Côte d'Ivoire. En Guinée, il mène aussi les destinées d'une académie de musique qui porte son nom.

Le Malien Djely Mori Tounkara a également suivi les traces de son père, soit en maîtrisant le répertoire traditionnel mandingue pour ensuite imposer ses propres compositions. Vu sa grande virtuosité, le koraïste a accompagné des vedettes du Mali et du Sénégal, on pense à Kerfala Kanté, Mangala Camara, Saramba Kouyaté, Yaye Kanouté, Daby Baldé, Samba Laobé N'Diaye, Mahawa Kouyaté, et l'on ne compte pas ses participations au sein du Super Rail Band de Bamako. Installé au Québec, il s'est produit avec la guitariste classique et koraïste Estelle Lavoie.

PHOTO FOURNIE PAR NUITS D’AFRIQUE

Prince Diabaté

Degg J Force 3

Sur le Parterre du Quartier des spectacles, le samedi 21 juillet, à 20 h

«Degg J Force 3 est un groupe emblématique de la scène hip-hop africaine actuelle. Capable de remplir littéralement des stades en Guinée, ce groupe est aussi un acteur majeur de la profession en Afrique de l'Ouest puisque ses fondateurs produisent de nombreux concerts et artistes.»

En wolof, degg j signifie la vérité... dite à intensité force 3, c'est-à-dire le juste, le bon et le vrai. Degg J Force 3 fait dans l'afro-funk, l'afro-reggae ou même le dancehall à l'africaine. Fondé par les frères Moussa M'Baye et Ablaye M'Baye (alias Skandal), ainsi que Moussa Camara (qui a quitté le groupe depuis), ce groupe d'expérience existe depuis 1997. Traversé par les tendances musicales prédominantes en Afrique de l'Ouest, ce hip-hop a fleuri à Boulbinet, quartier de Conakry. Engagé politiquement et socialement, Degg J Force 3 compte quatre albums, dont le récent Dynastie lancé en 2017.

PHOTO FOURNIE PAR NUITS D’AFRIQUE

Degg J Force 3

Sekouba Bambino

Sur le Parterre du Quartier des spectacles, le dimanche 22 juillet, à 21 h 30

«Sekouba Bambino, l'un des chanteurs les plus prolifiques du continent africain, nous fera l'honneur de clôturer le 32e Festival international Nuits d'Afrique au Parterre du Quartier des spectacles. Sekouba Bambino fait partie des grandes voix de l'Afrique de l'Ouest, dans la lignée de ses "grands frères", Youssou N'Dour et Salif Keïta. Ce griot a prouvé sa polyvalence au sein du groupe Bembeya Jazz et d'Africando, célèbre groupe de salsa africaine.»

Sekouba Diabaté, dit Bambino, 54 ans, est le fils d'une chanteuse très connue dans sa région (Siguiri), Mariama Samoura. Sur recommandation du président Sékou Touré, il avait jadis rejoint l'orchestre national de Guinée, soit le légendaire Bembeya Jazz, au sein duquel on l'avait rebaptisé Bambino, vu son jeune âge. Repéré par le producteur sénégalais Ibrahim Sylla, Sekouba Bambino a amorcé une grande carrière solo en plus de devenir le chanteur attitré du groupe Africando, très porté sur la musique afro-cubaine. On le reconnaît néanmoins comme l'un des grands interprètes contemporains de la musique mandingue, dont il a d'ailleurs enregistré plusieurs standards au milieu de la précédente décennie.

PHOTO ERIC ALLOUCHE, FOURNIE PAR NUITS D’AFRIQUE

Sekouba Bambino