Le chanteur français Ben l'Oncle Soul arrive au Québec avec une troupe de 10 musiciens pour interpréter des chansons popularisées par Ol' Blue Eyes.

À ses débuts, Ben l'Oncle Soul a chanté trois fois en un an à Montréal, où le Festival de jazz en a même fait la tête d'affiche de son concert d'ouverture sur la place des Festivals en 2012.

Voilà que le chanteur français nous revient avec 10 musiciens, tous new-yorkais à l'exception d'un DJ et d'un saxophoniste français, le temps de deux concerts au festival Nuits d'Afrique et au Festival d'été de Québec. Le prétexte ? L'album Under My Skin sur lequel il reprend à sa manière soul, trip-hop et reggae 11 chansons popularisées par Frank Sinatra.

La version romancée de son flirt avec le répertoire d'Ol' Blue Eyes veut que l'ami Ben ait trouvé par hasard une compilation de Sinatra dans le lecteur CD d'une Chevrolet Monte-Carlo 1972 d'occasion qu'il venait d'acheter à Los Angeles. Ce n'est pas faux, précise-t-il en riant, même si c'est à son retour à Paris que le déclic s'est vraiment produit.

« Je découvrais Sinatra, j'entendais sa voix, sa profondeur d'âme, et j'ai voulu en connaître un peu plus sur le personnage. Je voulais savoir quel genre de mec c'était dans la vraie vie et j'ai commencé à chercher. Les gens m'ont dit que c'était aussi un acteur, un danseur... un membre de la mafia », lance-t-il en riant.

« J'ai eu l'impression d'être tombé sur une mine d'or, ajoute-t-il. L'histoire du CD dans la voiture était un accident, mais par la suite, c'est comme si j'étais en parcours initiatique sur les traces de sa vie. »

« J'ai visité Palm Springs, où il a vécu, je suis allé sur sa tombe lui chanter ses chansons et ses mots. J'étais passé vraiment à côté de Sinatra, donc j'étais en train de combler une lacune, un manque à ma culture. »

- Ben l'Oncle Soul

« Je me suis passionné pour ses chansons, mais je n'avais pas vraiment envie de les reprendre. »

UN VIDE

Pourtant, en rentrant à Paris après avoir passé l'essentiel des trois années précédentes aux États-Unis, il a ressenti un vide. Tout lui manquait : le soleil, les palmiers, rouler dans sa belle bagnole, the good life, quoi, comme le chantait Sinatra.

« Je voulais savoir ce que j'avais tiré de cette écoute de Frank Sinatra, se souvient-il. J'ai joué des accords très simples, des accords de blues, des accords de reggae sur des orgues et sur un Wurlitzer que j'ai à la maison, et j'ai commencé à chanter toutes les chansons que je connaissais maintenant par coeur. Il s'est produit comme une petite magie parce que j'ai trouvé ma voix, ma manière de le raconter. J'ai complètement lâché Sinatra après l'avoir bien étudié. Je l'ai un peu avalé, d'une certaine manière. »

Quiconque s'attaque à ces classiques du grand livre de la chanson américaine sait d'avance qu'il ne fera pas l'unanimité. S'il prend des libertés, on l'accusera de dénaturer ces chansons, alors que s'il en fait une relecture fidèle, on dira que ça ne supporte pas la comparaison avec les versions d'origine.

Ben l'Oncle Soul ne s'est pas posé ce genre de questions.

« En fait, c'est entre Sinatra et moi, c'est vraiment intime, répond-il. Je n'ai même pas recherché qui avait fait quoi à propos de Sinatra. C'était un match de boxe avec des gants de velours entre lui et moi, quoi. »

L'artiste français a quand même eu l'impression de se raconter à travers ces chansons mythiques.

« Ça passe par les arrangements, explique-t-il. Le fait d'y mettre mes influences musicales raconte un peu mon parcours et ma culture. Et puis le choix des chansons était quand même important pour raconter la bonne histoire. Il y a de grands standards de Sinatra que je ne me sentais pas apte à chanter. Soit que je n'étais pas passé par l'émotion dont il est question dans la chanson, soit que le côté swing entertainment ne me convenait pas. 

« Moi, je suis métis, et Sinatra est quand même le premier Blanc que j'écoute réellement. Une chanson comme Come Fly With Me, c'est un truc que moi et ma famille on n'aurait pas vraiment pu vivre, le rêve américain avec l'argent et tout ça. Par contre, New York, New York, j'avais quelque chose à raconter puisque j'y ai passé un an et j'y ai fait de très belles rencontres, notamment celle de Clive Chin qui a produit Toots and the Maytals et certains disques des Wailers. C'est pour ça que j'ai fait New York, New York avec une atmosphère un peu reggae. »

OBJECTIF USA

Après avoir lancé ses premiers albums sous étiquette Motown France, Ben l'Oncle Soul fait désormais partie de l'écurie de jazz Blue Note qui, espère-t-il, lui permettra de percer le marché américain même si, dit-il en riant, le grand patron du label Don Was l'a averti qu'il avait d'autres projets importants sur le feu, dont les Rolling Stones. Avant de se produire à Québec et à Montréal, demain et lundi, il aura chanté à Boston et à Brooklyn.

« Je viens de faire un disque autour de la musique américaine et je ne me suis pas trop soucié de comment allaient le recevoir la France et l'Europe, les pays qui suivaient un peu ma carrière, explique-t-il. Je trouve ça intéressant de le confronter aux gens dont c'est vraiment la culture. Pour l'instant, on fait beaucoup de festivals de jazz en France et il y a un très bon accueil, mais je sens que les gens ne captent pas quels morceaux on vient de refaire. C'est possible que le public américain ait une meilleure connaissance des chansons. »

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Au National, le 17 juillet, dans le cadre du festival Nuits d'Afrique