Après une douzaine d'années d'absence à Montréal, Zebda inaugurait mardi les 29es Nuits d'Afrique dans un Métropolis rempli de fans très motivés, et dont l'âge se situait quelque part entre la trentaine et la cinquantaine, ayant ainsi vécu la grande période du groupe toulousain dans les années 90. Visiblement, Magyd Cherfi, les frères Mustapha et Hakim Amokrane ont savouré leur retour sur une scène devant ce public en feu.

Pour l'apéro, les chanteurs et leur groupe (basse, guitare, claviers et batterie) ont servi L'erreur est humaine, un de leurs classiques. Puis ils ont balancé ce tube rock des plus explosifs: Pas d'arrangement, entonné à fond la caisse avec le fort accent méridional de ces trois fils de l'immigration algérienne. C'était alors l'occasion de chanter L'accent tué, mise en garde contre l'uniformisation du parler français.

S'ensuivit un reggae rock, véhicule d'une métaphore autochtone (inévitable chez les cousins!) sur les résistants de toutes races et toutes cultures: Le Panneau raconte le malentendu sur les méchants amérindiens et les bons cowboys, manichéisme colonial propagé par les visages pâles comme on le sait... depuis un bon moment déjà. Puis ce fut le moment de la chanson rock On est chez nous, qui revendique un chez-soi légitime pour tous les migrants.

Zebda évoque aussi le courage des aînés ayant dû affronter les affres de l'immigration française; cet hommage aux Chibanis (les vieux, en arabe maghrébin) se décline sur un chaabi rock pas piqué des vers. Dans le même esprit de chanson réaliste et engagée, Mon père m'a dit est un rock musette à saveur nord-africaine qui raconte la délinquance des jeunes immigrants et la déception vécue par leurs parents.

Malgré toutes ces rimes décrivant l'adversité, le party est dans la place! Trentenaires, quadras et quinquas présents dans la salle ont tous retrouvé leur vingtaine comme par magie. Tous et toutes  reprendront le chorus de la très festive Oualalaradime. La suivante sera est dédicacée aux réfugiés venus des pays de soleil qu'ils ont dû abandonner pour sauver leur peau et celle de ses proches: Harragas (les brûlés), ballade contagieuse pour voix et cordes électriques. Et l'interprétation de L'envie précédera l'atteinte d'un sommet d'euphorie, pinacle d'énergie festive avec Toulouse/rub a dub.

C'est le moment d'un décompte qui lancera ze tube de Zebda, Tomber la chemise... Quelques chemises tomberont pour vrai, au pied de la scène comme au pied de la lettre! Au terme d'un bain de foule pris par l'un des frangins Amokrane, Zebda interprétera la récente Les petits pas, funk rock jubilatoire assorti d'une chorégraphie sympathique. On poursuivra sur un ska défoulatoire, l'occasion de déverser son trop plein d'exaspération citoyenne.

Le bruit et l'odeur, un autre classique de Zebda, motivera les trois chanteurs leur quartette et leur public à brandir le poing et entonner Motivés, un chant de solidarité conclu dans un torrent d'applaudissements et de cris approbateurs.

On appelle ça un retour!

Rappelons en outre que le groupe montréalais Syncop avait ouvert la soirée, cuisiné les festivaliers au «sirocco d'érable», installé l'ambiance. Oudiste, claviériste, bassiste, guitariste, batteur, clarinettiste, joueur de derbouka et de gellal étaient chapeautés par le chanteur Karim Benzaïd. Syncop a servi au public des airs maghrébins, chaabi, raïi et reggae couscous mijotés  la cabane à sucre. Chants entonnés en arabe dialectal ou en français, musiques jouées par des Québécois de souche, d'Italie, de Tunisie, d'Algérie, de Côte d'Ivoire, de France... le Montréal qu'on aime aux Nuits d'Afrique.