Trente-quatre ans d'existence, 16 albums vendus à plus de 5 millions d'exemplaires: Kassav' n'a plus besoin de présentation. Les ambassadeurs par excellence de la musique zouk se produisent ce soir à Montréal pour la troisième fois en quatre ans, avec un nouvel album sous le bras, dédié à l'un de ses anciens membres. Entrevue «sonjé» avec la chanteuse Jocelyne Beroard.

Votre dernier album s'appelle Sonjé. Qu'est-ce que ça veut dire en créole?

Dans ce cas-ci, ce serait plutôt le souvenir, parce que l'album est dédié à un de nos anciens chanteurs, Patrick Saint-Éloi [mort en 2010 d'un cancer]. Mais Sonjé, c'est aussi la mémoire, la réflexion, l'introspection...

Introspection? Ce n'est pas un mot qui est normalement associé à Kassav'! Vous êtes les rois du zouk. On vous voit plutôt comme une machine à danser...

C'est notre plus grand désespoir. Quand on a commencé au début des années 80, la compagnie qui s'occupait de nous ne savait pas comment nous présenter. Ils ont joué la carte du soleil, de la fête et de la chaleur. Un peu réducteur, parce que beaucoup de nos chansons ont un message. Nous parlons de l'Histoire, d'où l'on vient comme peuple, de l'espoir. On ne donne pas de solutions, mais on essaie au moins d'amener les gens à réfléchir.

Parlez-nous de Patrick Saint-Éloi, à qui vous rendez hommage.

Patrick fut un des trois chanteurs de Kassav'. Il était d'un style plus crooner. Mais c'est aussi celui qui chantait sur les thèmes les plus variés. Violence, inceste, SDF [sans-abri]: il avait une palette large. Mais il était aussi un champion des chansons d'amour. Il a quitté le groupe en 2002 après 20 ans. Il en avait marre d'être sur la route. Il s'est installé en Guadeloupe où il a fait cavalier seul. Nous sommes restés en bons termes. On a écrit le morceau Sonjé pour dire à quel point il nous manque. Dans la deuxième partie de la chanson, on fait un pot-pourri de ses succès.