Calypso Rose, 72 ans, pionnière de la calypso au féminin, n'a jamais eu froid aux yeux. Pionnière féministe de surcroît?

«Oh que oui !» répond-elle au bout du fil. Le ton n'est pas celui d'une femme inhibée, on vous l'assure!

«Adolescente, je combattais déjà la discrimination sous toutes ses formes. Dans le monde de la musique calypso, on refusait l'accès aux femmes. C'était alors un monde d'hommes. J'ai mis le pied dans la porte, je me suis retrouvée dans ce monde d'hommes car je croyais que seul le talent comptait. Le sexe de l'artiste ne doit jamais entrer en ligne de compte.»

Opiniâtre, déterminée, la jeune femme n'était pas au bout de ses peines...

«En 1966, j'ai créé la chanson Fire in Me Wire, la première à avoir le plus tourné pendant deux années consécutives au carnaval de Trinidad. On m'avait alors volé le prix de la Road March, attribué à la chanson la plus populaire. Parce que j'étais une femme!  En 1975, on m'a volé une deuxième fois avec la chanson Do Dem Back. En 1977, cependant, mon rayonnement était devenu trop fort pour qu'on puisse me dérober le prix une troisième fois.»

Elle devint finalement la première femme à rafler la Trinidad Road March avec la chanson Gimme More Tempo, exploit répété en 1978 avec le titre Come Leh We Jam.  Ainsi, McCartha Linda Sandy-Lewis alias Calypso Rose devint la reine de la musique populaire à Trinidad & Tobago. Pendant les années 70, donc, elle a régné sans opposition.

Par la suite, elle a conservé le titre de calypso queen, bien qu'elle réside à New York depuis les années 80. Inutile d'ajouter que cette figure mythique des Antilles britanniques a voyagé partout dans le monde et s'est produite à maintes reprises au Canada.

«J'étais à Montréal l'an dernier, vous savez. Un petit club, je ne me souviens pas exactement du nom... Plusieurs milliers de personnes seront là, cette fois? Aucun problème! Je suis prête à affronter ce genre de foule. Je suis prête à tout lui donner! J'imagine que la communauté antillaise sera présente... Je reviens à peine d'Allemagne, j'ai chanté au festival Masala Weltbeat devant 7000 personnes. En mai dernier, j'ai chanté au Maroc devant 10 000 personnes. Il n'y a pas longtemps, j'étais à la Réunion qui me rappelait Tobago.»

Décidément, cette femme n'a peur de rien! Elle a même survécu à deux cancers et continue de chanter partout où on l'invite.

Un soupçon de nostalgie peut toutefois l'attendrir : «Si les îles des Caraïbes me manquent? Oui, elles me manquent. Les îles n'ont pas d'hiver. Il y a la saison sèche, il y a la saison humide. J'aime la liberté des îles, j'aime ne pas avoir à verrouiller ma porte comme je dois le faire à New York. Toute cette prudence obligée en Amérique du Nord, vous voyez ce que je veux dire ?»

Alors pourquoi vivre à New York, Calypso Rose?

«Parce qu'à l'époque, j'avais marié un citoyen américain originaire des Îles Vierges - St.Thomas. Une loi de Trinidad & Tobago, qui date de la colonisation, oblige une femme épousant un étranger à vivre absolument où cet étranger réside. Or cette loi ne s'applique pas pour un homme de Trinidad & Tobago dont la femme étrangère en devient automatiquement citoyenne. Vous vous rendez compte?!!»

Absolument, madame. On se rend compte aussi qu'on vous obéira sans broncher si vous ordonnez de sortir les ordures!

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Calypso Rose se produit gratuitement ce vendredi, 22h, au Village des Nuits d'Afrique - Parterre du Quartier des spectacles.