Lorsqu'il accède au rez-de-chaussée, l'effet souterrain est toujours fascinant à observer. Prenons le cas de Dub Incorporation, qui vient de triompher aux Nuits d'Afrique avec très peu de promotion médiatique sauf quelques trucs dernière minute. Groupe des régions françaises, groupe de l'immigration et du métissage en périphérie des villes, groupe de terrain, groupe populaire.

Visiblement, le travail souterrain porte fruit: Dub Inc. compte assez de fans à Montréal pour remplir La Tulipe sans que les médias institutionnels n'en fassent cas. Lundi soir, La Tulipe était pleine à en faire courber les pétales!

Autre facteur important: il apparaissait évident que le public présent était majoritairement constitué de Montréalais d'origine française, ou encore de fans français en vacances à Montréal auxquels se joignaient des connaisseurs de la mouvance reggae/ragga/dub. Phénomène de plus en plus fréquent, et qui n'a d'autre conséquence que d'enrichir notre paysage sonore.

Dub Inc., il faut dire, n'est pas un groupe de débutants. En marche depuis la fin des années 90, il est mené par un beur à la voix puissante et haut perchée, Hakim «Bouchkour» Meridja, et un black à la voix rauque comme on l'observe chez certains rastas, Aurélien «Komlan» Zohou. On s'y exprime surtout en français mais aussi en anglais et en arabe dialectal. L'instrumentation comprend deux claviers, un guitariste, un bassiste et un batteur auxquels les chanteurs ajoutent parfois des percussions de mains - bongos, darbouka, etc.

Depuis les années 80, on observe que le reggae/ragga/dub fait très bon ménage avec les musiques d'Afrique du Nord, et que la France de l'immigration en est un des principaux bouillons de culture. Depuis la fin des années 90, Dub Inc. est l'une des illustrations probantes de cette tendance.

Au fil du temps, les mecs ont construit leur répertoire et mis au point leur machine de scène.  Aujourd'hui, la machine est huilée au quart de tour - bien qu'on ne soit pas en présence de la plus aiguisée des sections rythmiques du genre, aucun irritant à l'horizon.

Qui plus est, les pilotes de la machine ne se gênent pas pour mettre en rimes et scander bien fort leurs critiques de la société française; ghettoïsation et la répression des banlieues, galère des citoyens d'origine modeste et de souches immigrantes, misère de la diversité culturelle, fierté des patrimoines d'origine et plus encore. Les titres au programme parlent d'eux-mêmes: DiversitéMetissage, Dos à Dos, Laisse le temps, Crazy Island, La corde raide, Galérer, One Shot, My Freestyle, No Doubt, Chaînes, Djamila, Tout ce qu'ils veulent, Murderer, Ma Mélodie, Rudeboy, Jump up...

Très forts en interaction avec le public, les chanteurs de Dub Inc. ne réinventent pas la roue mais suggèrent une expérience contagieuse et d'autant plus honnête artistiquement. Chose certaine, on ne sort pas déçu de la prise de contact.