Nuits d'Afrique Sound System, c'est-à-dire la branche jeunesse d'un festival dont la clientèle attire trentenaires, quadras, quinquas ou même adultes encore plus âgés, devra tirer la leçon suivante: on ne crée pas le buzz nocturne un dimanche à la mi-juillet, à la toute fin d'un week-end sans congé férié le lendemain. En tout cas, pas de buzz envisageable auprès d'une jeune clientèle en développement, pour qui les Nuits d'Afrique est un événement s'adressant à... ses parents.

Le très doué Sud-Africain Spoek Mathambo a beau avoir été l'une des révélations de South By Southwest et de la Canadian Music Week à la fin de l'hiver dernier, il ne pouvait remplir la SAT dans un tel contexte dominical. Masala Sono, maître d'oeuvre de cet événement pour les Nuits d'Afrique, joint encore une autre clientèle même si la collaboration entre les deux organisations existe depuis un an.

Un vendredi? Un samedi? D'accord. Or, Mathambo n'était pas disponible; on a alors pris le risque de le présenter dimanche. On le saura! Ce week-end, donc, les salles ont été vraiment remplies par la clientèle traditionnelle des Nuits d'Afrique: le Zimbabwéen Oliver Mtukudzi and the Black Spirits et l'Haïtien BélO au Cabaret du Mile-End, respectivement vendredi et dimanche, le Montréalais (d'origine sénégalaise) Zal Sissokho au Lion d'Or samedi. Même ce très bon groupe de Miami, Locos Por Juana, dont la facture assez jeune (musiques colombiennes, caribéennes, hip hop, afrobeat, reggae latin, etc.) aurait dû séduire un bassin assez considérable de fans, n'a pas attiré grand monde samedi.

Quant à Spoek Mathambo, il aurait été plus à l'aise à la Sala Rossa qu'à la SAT, beaucoup trop vaste dans les circonstances. Dommage, car les nuitards venus à sa découverte (plus ou moins 200?) en ont eu majoritairement pour leur argent. Car cet artiste est intense, créatif, imaginatif, incandescent sur scène. Assurément, sa performance très dynamique aurait fait un malheur à Mutek ou à Pop Montréal (coprésentateur de cet événement, d'ailleurs).

La percussion en direct (Guillermo Brown) et les références verbales de Mathambo à l'Afrique confèrent une coloration intéressante à cette décharge dont la singularité électro-hip hop et l'attitude rock (Marcus Holmqvist, électronique et guitare) n'ont pas grand chose de patrimonial, communautaire, identitaire. D'où la frilosité des amateurs classiques de musique africaine qui n'ont pas daigné secouer leurs habitudes... ou qui y ont peut-être vu un truc anglo-américain parmi d'autres.

Tout dépend de l'angle de vision, en fait: d'aucuns croient que Spoek Mathambo s'avère un artiste international venu d'Afrique du Sud, jeune citoyen du monde dont l'urbanité et l'allégeance à une culture mondiale cohabitent fort bien avec les origines culturelles. Au même titre que des artistes de Montréal, Stockholm, Sao Paulo ou Tokyo.

Le monde change, la planète rétrécit, plusieurs variantes d'une nouvelle culture mondiale tissent leurs réseaux respectifs. Celui de Spoek Mathambo passe aussi par la Scandinavie ou les États-Unis, ce qui n'exclut en rien Johannesburg et toutes les zones urbaines d'Afrique qui connaissent un développement  accéléré.