Radio Salone, nouvel album des Sierra Leone's Refugee All Stars lancé ce printemps sous étiquette Cumbancha, a été chaudement applaudi par la critique. Voilà qui est de bon augure pour l'entrée en matière des 26e Nuits d'Afrique.

On sait que ces musiciens se sont connus dans l'exil, à l'époque où la violence faisait rage en Sierra Leone entre 1991 et 2002 avec près de 200 000 disparus et deux millions d'exilés. Au terme de ce conflit atroce, marqué par les mutilations de la population civile et le recrutement massif d'enfants soldats, ce groupe d'anciens réfugiés devint une curiosité à l'échelle internationale.

Rappelons que ses membres avaient d'abord misé sur leur très belle victoire contre l'adversité et sur un reggae roots de deuxième division, interprété par des musiciens fervents et... pas vraiment de calibre international. Ç'aurait pu en rester là et... ô surprise, les bardes de cet orchestre débordent leur statut de miraculés. Contre toute attente, les Sierra Leone's Refugee All Stars sont en voie d'acquérir une expertise reconnue côté sono mondiale.

Au bout du fil, Reuben M. Koroma respire la fierté et la satisfaction du travail accompli - il y a quelques mois dans un studio de Brooklyn:

«Ce nouvel album est une véritable avancée par rapport à notre répertoire antérieur, qui était plus proche du reggae jamaïcain que de notre musique africaine. Nous avons bossé dur pour créer ces nouvelles chansons. Je crois que le travail a porté fruit et nous en sommes fiers. On y trouve plus d'Afrique, plus de Sierra Leone», amorce le chanteur et leader du groupe, joint dans l'autobus de tournée qui file direction Vermont - quelques jours avant de franchir la frontière canadienne.

À géométrie variable, la formation comptera six membres aux Nuits d'Afrique: Ruben Koroma , voix principale, Ashade Pearce, guitare soliste et voix, Jahson Bull, claviers et guitare rythmique, Dennis Sannoh, basse et voix, Christopher Davies, batterie.

«Cette fois, nous voulons montrer nos traditions musicales au monde entier, renchérit le chanteur. Entre les chansons, nous avons inclus ces intermèdes de style gumbe, implanté profondément au pays. Dans sa forme traditionnelle, le gumbe se joue avec des percussions à mains (tambours, cloche à vache, etc.) et beaucoup de chant choral; stimulé par le rythme, un homme entonne la mélodie principale, un choeur entier lui répond. Ainsi, nous mélangeons nos racines locales et nos chansons modernes à base de reggae. Je suis heureux que les publics du monde puissent y percevoir désormais notre spécificité, car nous nous appliquons à bien la représenter.»

Rappelons que la Sierra Leone compte 16 communautés culturelles. La langue commune y est le krio  (sorte de créole local) et les gens qui accèdent à l'éducation parlent l'anglais. Cinq ethnies sont représentées au sein des  Refugee All Stars, qui s'expriment en anglais, krio, temne, mende ou limba. Si  le groupe passe de longues périodes en Amérique comme en Europe, il séjourne une bonne partie de l'année en Sierra Leone, terre de son inspiration.

«Nous avons quitté le pays en mai, nous rentrons en septembre, indique Reuben Koroma. À l'étranger, nous essayons de partager notre expérience vécue dans les camps de réfugiés, afin d'ensuite véhiculer un message de paix et d'amour.»

Voilà qui résume l'histoire récente de ce pays ravagé par la guerre, et qui a enfin trouvé la paix.

«Vous savez, souligne notre interviewé, les choses s'améliorent en Sierra Leone. Le climat politique s'est stabilisé, le développement économique a  repris, bien qu'il y ait encore beaucoup de pauvreté. Conséquence de onze années de destruction... Nous sommes repartis de loin, il faut accepter ce processus graduel.»

Tout en syntonisant Radio Salone, il va sans dire.

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Dans le cadre des 26e Nuits d'Afrique, les Sierra Leone Refugee All Stars se produisent ce mardi, 20 h 30, au Cabaret du Mile-End.