Dans un parterre bondé - c'est-à-dire 29 000 personnes au cours de la soirée et près de 50 000 pour la journée entière selon les évaluations officielles - les 25e Nuits d'Afrique se sont conclues dimanche avec un spectacle gratuit et très attendu de Kassav. Toujours très populaires, les Antillais ont galvanisé une foule considérable, cosmopolite à majorité noire, et d'autant plus montréalaise.

Relocalisé au centre-ville, ce Village éphémère du festival (quatre jours et quatre soirs) consacré à l'afro-diversité musicale a connu une croissance substantielle: pour la programmation en plein air, on indique que les ventes de concession (bière, jus et eau) ont grimpé de 30% par rapport à l'an dernier, alors que les ventes de CD et de T-Shirts se sont maintenus au même niveau. Quant à la billetterie en salle, elle aurait aussi connu un franc succès - on en saura plus long ce mardi, lorsque les bilans officiels seront rendus publics.

Bien au-delà des statistiques, on peut parler d'un regain d'intérêt pour les Nuits d'Afrique. Intérêt artistique, il va sans dire.

Cette programmation 25e anniversaire nous a offert une variété de propositions destinées à toutes les générations, ce qui a d'ailleurs longtemps fait défaut à cet événement qui prenait de l'âge avec son seul public originel. Aujourd'hui, l'offre des Nuits d'Afrique rajeunit et pourrait atteindre un équilibre intergénérationnel essentiel à sa pérennité. À ce titre, on observe que la jeune équipe de programmation a pris du gallon au cours des trois dernières années: bravo à Frédéric Kervadec (programmation internationale) et Hélène Dimanche (programmation nationale), avec l'imprimatur de Lamine Touré et Suzanne Rousseau, fondateurs et toujours promoteurs des Nuits d'Afrique.

Au chapitre des innovations, un authentique sound system a été présenté deux nuits consécutives à la SAT. Malgré un démarrage relativement modeste, la formule est là pour rester, les Nuits d'Afrique s'appliquent enfin à attirer un nouveau public qui devrait être plus considérable l'an prochain. Ainsi, les Soirées Masala Sono ont offert une programmation groovy, surtout samedi; le compositeur québécois Vincent Letellier et le rapper haïtien Mr OK, eux, ont innové avec leur futée combinaison d'électro de hip hop et de musiques populaires d'Haïti. On s'est aussi initié à la house africaine et le style kuduru que préconise DJ Kyabu, Torontois d'origine angolaise.

Les petits détours indie des Nuits d'Afrique ont illustré que les origines black peuvent mener à autre chose que l'actualisation d'un patrimoine: la Française Madjo (qui a un grand-papa sénégalais) et l'Américaine Meklit Hadero (d'origine éthiopienne) en sont des exemples probants. Pour ma part, ce fut plus intéressant du côté de Meklit Hadero (psych folk, jazz, musique africaine), un peu plus convenu du côté de Madjo (indie pop).

Parmi les meilleurs concerts présentés aux 25e Nuits d'Afrique, on retient Manu Dibango, Bombino (concert du Balattou), Pablo Mayor Folklore Urbano Orchestra. Viennent ensuite les concerts du Grupo Fantasma, de la chanteuse haïtienne Émeline Michel, du Kenyan Makadem, de la bassiste ivoirienne Manou Gallo accompagnée par le Van Merwijks Music Machine. On a dit beaucoup de bien, par ailleurs, du Dizu Plaatjies Ibuyambo Ensemble d'Afrique du Sud. Quant à la Française Marianne Aya Omac, on convient de sa capacité à divertir et communiquer, on conçoit que son folk hippie puisse plaire et que sa voix a de la puissance à revendre mais... l'étalage prévisible de ses valeurs humanistes et son imitation de trompette sur fond de rumba catalane peuvent aussi en faire décrocher plus d'un.

Pour qui n'est pas parfaitement au courant de notre scène locale, les Nuits d'Afrique sont l'occasion idéale pour s'y frotter. Les formations cubaines de Montréal, par exemple, ont été révélées comme  un trésor caché, d'aucuns ont pu découvrir ces musiciens de très bon niveau sur la grande scène extérieure au Village : grande gagnante du Syli d'or, compétition orchestrée par la même organisation, la formation Cuban Martinez Show s'est fait remarquer tout comme une autre encore moins connue, soit Giovanny Arteaga & Cuban Conexion.  Entre autres artistes de qualité, les festivaliers ont pu découvrir la culture dominicaine du chanteur Rafael ou encore ce projet construit autour de la musique d'Afrique centrale mené par le Camerounais Manu Atna Njock et ses invités.

Enfin, on retiendra que les têtes d'affiches de la programmation gratuite ont toutes attiré des foules considérables: l'Ivoirien Meiway et son Zo Gang, la Malienne Oumou Sangaré,  les Congolais de Soukous Star et, pour boucler la boucle, les Antillais de Kassav. Il y avait tant de monde au spectacle de dimanche que plusieurs amateurs ont réclamé des écrans géants pour l'an prochain.

Victimes de leur succès, les Nuits d'Afrique devront poursuivre leur nouvel élan de croissance en 2012.