Jeudi soir, ils étaient 15 000 Montréalais à s'être déplacés au parterre du Quartier des spectacles pour faire un triomphe à Meiway. Majorité d'origine ivoirienne et d'Afrique de l'Ouest, mais aussi des citoyens de toutes origines, toutes cultures, toutes couleurs. Rarement peut-on observer au centre-ville un déploiement aussi considérable de notre afro-diversité et de notre cosmopolitisme.



Et que dire de la nuée de mouchoirs blancs s'agitant au-dessus de cette mer de monde ? Telle est la consigne pour les grandes soirées de zoblazo, pop composite préconisée par Meiway. L'omniprésence de ces mouchoirs et de ces chants entonnés à l'unisson (Les génies vous parlent, Appolo 95, 200 % Zoblazo, Obv 225, Miss lolo, etc.) signifiaient clairement l'allégeance de ce public considérable à l'endroit de la vedette ivoirienne. Impressionnant ? Mets-en.

Malheureusement, ce premier grand spectacle gratuit des 25es Nuits d'Afrique (trois autres sont prévus jusqu'à demain) n'aura duré qu'une heure, parce que brusquement interrompu par un violent orage. Galvanisée par ce spectacle des plus dynamiques, la foule a résisté pendant de longues minutes sous la pluie battante, mais le danger pour la bonne marche des opérations sur scène est devenu imminent. À partir de 22 h 30, ces bonnes gens se sont dispersés sagement sous les cordes venues du ciel, assorties d'éclairs et de tonnerre. Aucun accrochage, aucune tension, foule exemplaire.

Dommage pour les nombreux fans de Meiway, car ce dernier était en train d'offrir une performance comparable aux meilleures manifestations du genre. Dans des conditions climatiques aussi tropicales (la plus chaude soirée de l'été ?), c'était de circonstance !

Mélange de traditions

Claviers, basse, batterie, percussions, danseurs, artistes compétents réunis autour d'un chanteur altier et charismatique. Comme il l'a souligné jeudi en interview, l'artiste ivoirien a récupéré plusieurs airs et rythmes typiques d'Afrique de l'Ouest, auxquels il a greffé diverses influences panafricaines et antillaises. Le profane pourrait décrire grossièrement le zoblazo comme un mélange de traditions ouest-africaines actualisées et de konpa/zouk antillais. L'usage généreux des claviers synthétiques, il faut dire, ajoute à cette impression de cousinage avec le konpa ou le zouk. Et de pop variétés, il faut dire.

Chose certaine, Meiway en impose. Dans le contexte du conflit violent ayant ravagé la Côte d'Ivoire et des plaies que pansent ses citoyens ou sa diaspora, on peut dire que la réconciliation nationale va bon train... à Montréal ! Aucun incident à signaler sur le front, ce qui confirme la justesse de l'expression : la musique adoucit les moeurs.

Manque de décibels

On peut ainsi conclure à un réel baptême (de l'eau) pour cette transplantation du Village des Nuits d'Afrique au Quartier des spectacles. Nouvelle aire, nouvelle ère. Bien sûr, un tel changement implique des irritants en début de cycle. À ce titre, la sonorisation de la première soirée a été marquée par de pénibles fluctuations de volume. Les organisateurs des Nuits d'Afrique ont rapporté que des inspecteurs de la Ville de Montréal n'ont cessé de mesurer le nombre de db (A) - et en auraient fixé la limite à 80, nous a-t-on dit.

Or, cette limite est trop faible pour les besoins d'un concert destiné à 15 000 personnes, c'était patent lors de la performance du guitariste nigérien Bombino, juste avant celle de Meiway. Il fallait être près de la scène pour en saisir les subtilités. Ce groove touareg m'a semblé beaucoup trop ténu. Rien à voir avec la magie vécue mardi soir au Balattou, alors que Bombino a carrément cassé la baraque.

Les conditions acoustiques, il faut dire, se sont améliorées peu après le début du spectacle principal, on a clairement fait grimper le volume. Correctif acceptable ? Quelques décibels supplémentaires n'auraient pas été de refus.

En début de soirée, Giovanny Artagea & The Cuban Conexion, douzaine de très bons musiciens montréalais d'origine cubaine sortis de nulle part, ont joui d'une sono relativement acceptable. Guaguanco, rumba, son, excellente section de vents, redoutable section rythmique, chanteur solide et rapper en prime. Les fans de musique cubaine auront reconnu la cohésion et le niveau de cette formation à peine sortie de son cadre communautaire.

Montréal nous réserve encore bien des surprises !