En Italie, le bombino blanc est un cépage du Sud à la base des vermouths les plus connus. Au Niger, c'est le nom d'un guitariste touareg en pleine ascension... qui sera à Montréal ce soir dans le cadre de Nuits d'Afrique.

On sait depuis quelques années tout le talent qui bouillonne dans cette région du monde, où les Touaregs se sont longtemps battus contre la répression. Des groupes comme Tinariwen et Etran Finatawa ont même connu un certain succès hors Afrique, avec leur blues du désert infectieux. Pour ce peuple insoumis du Sahara, la musique s'est avérée un bon complément à la lutte armée.

Bombino - de son vrai nom Omara Moctar - ne fait pas exception à la règle. Toute sa jeunesse a été marquée par l'exil et la rébellion. Et c'est pour résister qu'il s'est mis à la musique. «Il y a plusieurs façons de protéger sa culture. Pour moi, ça a été la guitare», résume l'artiste de 31 ans, dont le dernier album, Agadez, a été louangé par la critique française.

Il faut savoir que la musique a longtemps été interdite aux Touaregs. Façon comme une autre, pour les gouvernements en place, d'écraser leur identité. Plusieurs ont bravé les lois, certains ont été arrêtés, voire exécutés. Deux amis du guitariste ont disparu après avoir joué dans un mariage. «Ce n'était vraiment pas sûr», raconte Bombino, qui s'est, dans la foulée, exilé en Algérie et au Burkina Faso.

Ali et Jimi

Comme beaucoup de musiciens touaregs, Bombino est ce qu'on pourrait appeler un guitar hero. Basé sur l'improvisation, son jeu de guitare intuitif n'a qu'un seul but: faire danser et induire à la transe.

Le grand Ali Farka Touré fut pour lui une influence capitale. Tout comme le guitariste touareg Haja Bebe, qui l'a pris sous son aile à l'âge de 14 ans. En Algérie, le jeune musicien a aussi fait la découverte d'un certain Jimi Hendrix, qui deviendra sa troisième source d'inspiration. «Il avait vraiment quelque chose de spécial: comme un partage entre son instrument et lui», dit-il.

Pas étonnant que Keith Richards et Charlie Watts, des Stones, l'aient invité à enregistrer avec eux la chanson Hey Negrita en 2006, alors qu'il se trouvait en Californie: Bombino a la fibre rock!

Pas étonnant, non plus, que le cinéaste Ron Wyman (aucun lien avec Bill, ex-bassiste des Stones) en ait fait un personnage-clé de son documentaire sur la cause touareg, Agadez: The Music and the Rebellion, lancé en 2008. À la fois moderne et traditionnel, Bombino représentait pour lui «l'avenir des Touaregs».

Trois ans plus tard, on peut dire que les choses vont mieux au Niger. Après trois rébellions consécutives, les Touaregs ont plus ou moins rangé leurs armes. Cadeau ou concession, le nouveau président, Mahamadou Issoufou, a même choisi un Touraeg comme premier ministre (Brigi Rafini).

Ce changement rend Bombino optimiste. Mais ce n'est pas une raison pour arrêter le combat, dit-il. Car, si les choses vont mieux, cela ne veut pas dire qu'elles vont bien.

Conscient des défis qui attendent les Touaregs, le musicien sait qu'il a encore beaucoup à dire. «Je veux parler des sujets qui affectent directement mon peuple», dit-il, en évoquant notamment le mensonge, la corruption et la dure adaptation des siens au XXIe siècle.

« C'est comme ça, conclut Bombino. Il y aura toujours des choses à dénoncer...»

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BOMBINO se produit ce soir, 21h, au Balattou.