Connue sous le pseudo JASSS, l'Espagnole Silvia Jiménez Alvarez s'est imposée internationalement avec la sortie de l'album Weightless, paru l'an dernier sous étiquette suédoise Ideal Recordings. L'opus fut retenu dans moult sélections de 2017, dont celle de La Presse. Voilà pourquoi nous l'avons interceptée dans un aéroport avant qu'elle s'envole vers une destination nord-américaine.

Chez JASSS, jazz actuel, musiques contemporaines de l'Occident, musiques classiques orientales, mais aussi dark ambient, synth-punk, électro industrielle, jungle/drum'n'bass, folklores balkaniques et autres échantillons sonores prélevés sur le terrain, se fondent dans un magma incandescent, qui fraye son chemin dans les ravines du cortex cérébral.

Éclectisme extrême, solitude assumée, superbe intégration, intelligence de l'émotion, voilà autant de qualités qui résument notre interviewée.

L'artiste a parfait seule sa connaissance des sons, styles musicaux et traitements/filtrages à travers ses recherches personnelles qui remontent à la préadolescence, aussi au fil de longues résidences aux Pays-Bas et en Allemagne, où elle vit actuellement - à Berlin.

De fil en aiguille, JASSS a fait DJ, réalisé de brefs enregistrements sous étiquettes Mannequin et Anunnaki Cartel et concocté un premier album tout simplement brillant qui l'a propulsée sur les scènes du monde. Un deuxième opus, qui est actuellement en chantier, devrait être rendu public dans un avenir proche.

« Je suis totalement autodidacte. Ma musique est une perception de mes nombreuses écoutes. Effectivement, j'écoute beaucoup de musique, c'est pourquoi j'aime intégrer une grande variété de genres. Cela dit, je dois quand même en considérer les particularités techniques ; les formes sont parfois très différentes et peuvent renvoyer à différents types d'émotions. »

- Silvia Jiménez Alvarez

Dans cette optique, JASSS croit que les couleurs sonores de sa palette sont comparables aux humeurs de l'humain :

« Selon les circonstances, une personne est joyeuse, triste, pensive, en colère, froide, chaleureuse, etc. Il en va de même pour la musique, quelle que soit sa posture. En fait, un genre musical n'est pas plus sérieux qu'un autre d'un point de vue émotionnel. Il peut certes être plus académique, mais les musiques académiques traduisent aussi toutes les émotions. Au bout du compte, les musiques de tous styles comblent divers besoins émotionnels des êtres humains, elles transmettent plusieurs vibrations. »

On sait que les artistes électroniques tendent à explorer des combinaisons relativement restreintes de genres et de sous-genres... et on observe que ce n'est visiblement pas le cas de JASSS.

« Beaucoup s'identifient à un genre, effectivement. Ils sont peut-être rassurés par ce sentiment de maîtriser leur art en creusant le même sillon. Personnellement, je ne maîtrise... rien ! J'ai appris seule, je viens d'une région où cet apprentissage n'existait pas. J'aurais probablement gagné beaucoup de temps en apprenant auprès de professeurs dans un établissement de design sonore, remarquez. Mais il m'importe de raconter une histoire personnelle, sans prétendre à quelque maîtrise profonde d'une tendance de la musique électronique. »

Force est de déduire que Silvia Jiménez Alvarez assume pleinement la solitude de ses apprentissages.

« Je n'éprouve aucunement le besoin de maîtriser quoi que ce soit, insiste-t-elle. Pas plus que de décrire précisément mon langage musical. À ce titre, je tends à faire court avec la rhétorique. Je peux tout de même dire que mon approche est très rythmique, que les emprunts stylistiques sont nombreux et qu'il m'importe d'abord que ce soit très chargé émotionnellement. Pour le reste, le mélange de mes sources se transforme rapidement au gré de mes écoutes et de mes recherches. Il faut aussi souligner que cette approche est encore nouvelle. Je n'ai pas une vaste expérience, mon spectacle est encore un bébé. »

Devant public, JASSS ne transforme pas radicalement sa musique conçue en studio, dans son laboratoire perso, quoique...

« Je me produis à la manière d'un artiste dub, c'est-à-dire que je prépare des pistes et les superpose en direct de différentes manières. Par rapport à mon travail en studio, donc, ce qui diffère sur scène est le mixage de mes différentes pièces, la nature des enchaînements, le jeu des textures et des volumes, le traitement des sons en temps réel. Je peux toutefois improviser avec la voix, mais le reste de la proposition initiale [conçue en studio] demeure relativement intact. »

Minimaliste sur scène, elle réprouve l'ostentation instrumentale.

« Je préfère diffuser un son de qualité, je préfère un équipement restreint plutôt que de déployer une foule de bidules et risquer la diffusion de musiques échevelées, moins pertinentes. Je préfère de loin la qualité de la narration, ce qui n'exclut pas de varier la proposition générale d'une soirée à l'autre. »

Ce soir, la prochaine histoire de JASSS...

À l'Espace SAT, samedi soir, programme Nocturne 4 à compter de 21 h 30

Photo fournie par le festival Mutek

De fil en aiguille, JASSS a fait DJ, réalisé de brefs enregistrements sous étiquettes Mannequin et Anunnaki Cartel, et concocté un premier album au titre de Weightless.