L'assurance que l'on a en début de vingtaine doit parfois être ébranlée. Prenons l'Américain (d'origine chilienne) Nicolas Jaar, 22 ans, qui a eu beaucoup de succès avec son premier album, Space Is Only Noise, paru en janvier 2011. Un an et demi plus tard, il figure officiellement parmi les têtes d'affiche d'un festival électro aussi réputé que Mutek. Pourtant, sa performance avec groupe, donnée dans la nuit de vendredi à samedi, mène à ce constat: trop peu, trop tôt.

Jouissant d'un tel buzz, le jeune homme devait assurer en se présentant aux petites heures (programme Nocturne 2) devant une foule très enthousiaste à son endroit. Alors? Plusieurs conquis d'avance sont restés conquis au Métropolis mais... plusieurs autres sont restés sur leur appétit... sinon déçus par une proposition aussi mince. Franchement, Nicolas Jaar devra réfléchir davantage à son approche instrumentale (claviers, guitare, saxophone, électroniques)... qui demeure au stade de l'ébauche.  

Ses indéniables qualités de réalisateur électro, ses aptitudes au collage intégré et au traitement de plusieurs sources n'ont pas été vraiment mises à contribution. Ou si peu. Quelques relents de musculation binaire ont ponctué des improvisations scolaires et des compositions embryonnaires. Non, je ne crois pas qu'un festival aussi réputé que Mutek ne puisse accepter un concept aussi bâclé sur la base d'une réputation. À la décharge de la direction artistique, personne n'avait idée que ce que Nicolas Jaar avait en tête puisque son groupe n'a rien enregistré jusqu'à maintenant. Le risque en valait la chandelle?  Peut-être bien mais, trop peu, trop tôt. Le pari n'a pas été gagné et Nicolas Jaar a désormais une pente à remonter.

Le profil plus discret de Kode9 serait peut-être préférable. Non pas que l'Écossais Steve Goodman (de son vrai nom), docteur en philosophie et grand spécialiste de l'usage du son à des fins de répression militaire (vu d'un angle critique, rassurez-vous), soit un type particulièrement discret, mais son profil n'a d'égal que sa constance et sa vision. Excellent DJ, féru de toutes les excroissances post-jamaïcaines  du Royaume-Uni, dub, drum'n'bass, dubstep, 2steps garage et autres sous-genres de même cousinage, il a lancé le très bon album Black Sun l'an dernier sous son label Hyperdub. Vendredi soir, cependant, on a eu droit à deux performances différentes de ce contenu.

D'abord au Monument National, était présenté hommage audiovisuel au film La Jetée, classique de Chris Marker. Futuriste et pessimiste, ce film de science-fiction était évoqué via la narration de Ms Haptic, le traitement vidéo de MFO et la musique très spatiale de Kode9 dans le contexte. Personnellement, j'ai trouvé que la narration était trop proéminente pour que cette musique puisse se déployer, aussi riche fut la proposition horizontale du musicien écossais.

Au petites heures du matin, on était dans d'autres considérations; débarquer en plein set de Kode9 à la SAT au sortir d'une performance décevante (Nicolas Jaar) précédée d'un set tout aussi inintéressant (Deniz Kurtel, franchement plate!) a produit l'effet d'un vent d'air frais. Enfin de la substance! Même si conçue exprès pour le plancher de danse, il y avait de la nourriture pour toutes les parties du corps humain.