L'art d'être au bon endroit au bon moment est très difficile à maîtriser lorsqu'il s'agit de programmation festivalière. Mutek n'y échappe pas.                                

Mercredi à la SAT, par exemple, on a reçu une bonne claque à l'écoute de l'Apparat Band mais il eut été préférable de découvrir ce groupe sur une grande scène avec plus de volume et plus de projections derrière. Dans un tel cadre, il est permis de croire que cette formation deviendrait très populaire.

Un autre exemple, cette fois jeudi soir. Peu après 22h, le Métropolis était en train de se remplir (aux trois-quarts) lorsque l'Anglais Sam Shackleton est entré en scène. Voilà l'un des DJ/réalisateurs les plus intéressants de Mutek cette année. Curiosité évidente côté musiques ouest-africaines, antillaises ou centrafricaines, intérêt soutenu pour le discours polyrythmique.

Halètements pygmées, balafons mandingues, bongos et congas afro-cubains ou chants orientaux se fondent dans une esthétique on ne peut plus électronique. Ce mélange subtil devait-il être présenté au public plus mainstream de Mutek? Peut-être en fin de programme, à condition qu'il soit chauffé par des noms connus, par des références plus digestes pour le commun des mortels. Ou encore dans un cadre plus restreint comme celui de la SAT. Trêve de considérations, j'ai beaucoup apprécié Shackleton, certes l'un de mes préférés de l'univers életro. Je n'y vois aucune redite «tribale» comme certains le lui reprochent. Franchement, c'est du top à n'en point douter.

Monolake s'ensuivit au Métropolis, dans le cadre du programme Nocturne 2. Franchement, on n'était plus dans le minimalisme berlinois lorsque ça s'est mis à embrayer sur scène. Même esthétique mais beaucoup plus virile que la matière absorbée de Ghosts, le plus récent opus de Robert Henke. Les saccades et interruptions, le parcours des notes, les couleurs technoïdes choisies, toutes les caractéristiques connues de cette musique étaient en pleine séance de musculation. Beaucoup plus puissantes, étonnamment adaptées au plancher de danse,  toujours conformes à l'idée que Monolake se fait de la zizique. Personnellement, j'y ai trouvé encore plus de créativité que sur disque.

Plus tôt dans la soirée, j'ai pu assister à deux parts du programme Visions 3; les Allemands Andrew  Pekler et Jan Jelinek s'inspiraient d'une pionnière de la musique électronique, Ursula Bogner, décédée en 1994, officiellement femme au foyer et qui ne fut jamais connue de son vivant pour sa contribution importante à la musique électronique. Accompagnée de photos d'archives des années 70 et 80, cette performance nous a offert l'interprétation d'une oeuvre littéralement débusquée. Fort intéressante si on se met dans un contexte pionnier.

En fin de programme Visions 2,  les sons émanant de mécaniques simples (tourniquets, métronomes, etc.) se sont trouvées en surimpression au jeu en temps réel d'instruments conventionnels : accordéon diatonique, trompette piccolo, gracieuseté du Français Pierre Bastien et du Norvégien Espen Sommer. L'intérêt croît avec l'usage, s'est-on dit en sortant.