Il s'appelle Peter Peter, mais on pourrait dire Paris Peter. Installé depuis trois ans dans la capitale française, le chanteur québécois lance ces jours-ci Noir Éden. Rien de très parisien dans cette nouvelle livraison, jure-t-il. Et pourtant, tout dans ce disque respire sa nouvelle vie d'expatrié un peu paumé... La Presse l'a rencontré dans son appartement du 18e arrondissement, entre ses claviers et... ses claviers.

Un livre de Houellebecq trône sur la table. Quelques BD sous verre ornent les murs. Deux grandes fenêtres éclairent deux rangées de claviers. L'appart parisien de Peter Roy, alias Peter Peter, ne semble contenir que le strict nécessaire. Normal, puisque le chanteur vient tout juste d'y emménager, après trois ans d'errance parisienne, à dormir chez les unes et chez les autres.

«J'avais sous-estimé le fait d'être sans domicile fixe», explique le Québécois, pour justifier le long hiatus (trois ans) qui sépare Noir Éden d'Une version améliorée de la tristesse, son disque précédent.

Pause salutaire, dit-il, puisqu'en plus d'écrire ses chansons, Peter Peter s'est transformé en producteur, ayant enregistré lui-même (et parfois chez lui) la plupart de ses nouveaux morceaux.

Poussé en France par la multinationale Sony (et au Québec par Audiogram), Noir Éden jouit déjà d'une bonne couverture médiatique en France: Libération, Le Monde, Virgin Radio, RTL2 et France Inter ont chanté les louanges de cet album «futé» à «l'écriture ciselée toute en ellipses très imagées» (Libération).

La bulle et la boule

Noir Éden, c'est le disque du délire introspectif. Solitaire de nature, Peter Peter a plongé dans la vie parisienne comme d'autres plongent en apnée, à la «recherche de l'errance». Pendant trois ans, il a retenu son souffle au fond de l'eau, à regarder les autres exister. Ses observations ont débouché sur Little Shangri-La et la chanson titre, où il est question d'un créateur vivant dans sa bulle, au point d'y perdre la boule.

«À Paris, je suis allé au bout de la solitude, dit-il. La seule personne que je voyais, c'était ma copine, le soir. J'étais un peu déconnecté de la réalité. J'avais de la difficulté à sortir de ma tête.»

«J'avais l'impression d'être prisonnier de quelque chose, sans savoir la différence entre le vrai et la fiction. Dans ce sens-là, oui, Noir Éden reflète ma vie parisienne.»

Bien que volontaire, cette démarche n'a pas été sans douleur. Peter admet avoir connu des heures sombres, teintées d'anxiété. Son besoin de détachement s'est transformé en questionnement existentiel. Mais aujourd'hui, il assure être passé à autre chose. «J'ai retrouvé ma vie sociale, dit-il. J'aime ça.»

Quand on lui demande si le titre de son nouvel album fait référence à cette expérience, il nous regarde surpris. «Ah! oui, tiens, je n'avais pas pensé à ça...»

J'aime mon OP-1!

Une demi-douzaine de gros claviers trônent dans son salon. Mais son instrument fétiche est caché au fond d'un tiroir. Il s'agit d'un mini-synthé pas plus épais qu'un boîtier DVD et à peine plus long qu'un clavier d'ordinateur: le fameux OP-1 conçu par Teenage Engineering. «C'est pratique quand tu vis dans de petits espaces comme à Paris, dit-il en pianotant sur sa machine. Il y a tout ce qu'il faut dessus.»

Plusieurs chansons de Noir Éden ont été conçues sur cet étonnant mini-synthé. Certaines pistes, destinées à n'être que des maquettes, se sont même retrouvées sur le mix final, ce dont il semble assez satisfait.

Peter Peter, sorcier de l'électro-pop? Il préfère parler de «chanson électronique» et évoque Michel Berger (Starmania) comme l'une de ses récentes sources d'inspiration. «Il y a une chanson de lui qui est venue me chercher pendant une période où je... [il ne finit pas sa phrase]. Paradis blanc. Je l'aime tellement que maintenant, je la reprends dans mon show

«Expatrié parisien»

Pendant trois ans, il était en transition. Mais aujourd'hui, plus de doute: sa vie est ici. Peter Peter a désormais ses habitudes, sa blonde, son cercle social et sa carrière à Paris, la ville qui l'habite.

Serait-il devenu français? Quand même pas. «Quand je retourne à Montréal, je ne me sens plus tout à fait québécois, mais quand je suis ici, je me sens encore québécois», dit-il, se voyant plutôt comme un «expatrié parisien».

Pas de retour à court terme donc, mais un avenir en forme d'hexagone, du moins pour le moment. Une tournée française est d'ailleurs prévue pour le printemps et l'été, après les trois spectacles qu'il doit donner au Québec du 8 au 12 mars, avec ses trois musiciens... français.

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Au Club Soda le 8 mars, dans le cadre de Montréal en lumière; à Trois-Rivières, le 11 mars; à Québec, le 12 mars.

Photo Jean-Christophe Laurence, collaboration spéciale

Le mini-synthé OP-1 fait partie des instruments fétiches de Peter Peter. «C'est pratique quand tu vis dans de petits espaces comme à Paris, dit-il en pianotant sur sa machine. Il y a tout ce qu'il faut dessus.»

Le Paris de Peter Peter

Pour sortir

Le Sunset (100, rue Ordener). Café moderne et branché, c'est le QG de Peter Peter. «C'est mon côté montréalais», dit-il.

Pour vivre

Ce n'est pas le quartier le plus central, mais il adore le 18e arrondissement pour son côté «plus calme» et le marché de la rue Poteau, qu'il aime tout spécialement. «Je n'habiterais pas à Bastille», lance-t-il.

Pour courir

Le Sacré Coeur. «À Montréal, je faisais mon jogging sur Mont-Royal. Ici, je fais mon footing sur les escaliers de la butte Montmartre. Arriver en haut et voir tout Paris, j'en suis tombé amoureux.»