Il s'est passé quelque chose de rare, d'exceptionnel même, vendredi soir au Club Soda. Pendant deux heures et demie, deux artistes hors-normes et leur public attentif ont communié à l'autel d'une musique à la fois simple et sophistiquée, qui berce les tympans et réchauffe le coeur du même coup.

Piers Faccini et Dom La Nena ont établi un contact direct avec les spectateurs qui les ont écoutés dans un silence religieux, chantant doucement quand on les y invitait, tapant des mains à l'occasion, se dandinant légèrement sur leurs chaises à la manière de la violoncelliste brésilienne ou dodelinant de la tête au rythme des musiques d'inspiration folk, blues ou africaine du guitariste anglais.

Faccini et Dominique Pinto ont beaucoup en commun. Ce sont des Français d'adoption, des apatrides assumés qui chantent dans plusieurs langues et dont les voix si différentes sont complémentaires. Ça n'a jamais paru aussi évident qu'au rappel quand le chuchotement de la jeune femme s'est mêlé tout naturellement à la voix riche de son ami et complice dans un hommage senti à l'une de leurs influences communes, la regrettée Lhasa: Con toda palabra.

Plus tôt dans la soirée, on avait déjà pu apprécier la connivence de ces deux artistes. Quand, en première partie de programme, Faccini est venu jouer de la guitare et chanter en alternance puis à l'unisson avec la Brésilienne sur deux de ses compositions, Dessa vez et No meu pais, puis quand, après l'entracte, elle lui a rendu la politesse en jouant du violoncelle pendant Broken Mirror et la comptine Reste la marée. Ainsi appuyée, la voix de fausset de Faccini a pris son envol. Émotion.

Tout de suite après, Faccini s'est aventuré pour la première fois hors du folk feutré et intimiste qu'il nous avait servi jusqu'alors le temps d'une version presque rock de sa chanson The Beggar & the Thief, enrichie par le bourdonnement du violoncelle et la batterie de l'excellent Simone Prattico qui, jusque-là, avait coloré les chansons de son ami de subtiles touches de xylophone.

En début de soirée, Dom la Nena a facilement conquis le public du Club Soda par son charme inné, son sourire et cette façon irrésistible qu'elle a de lui parler comme à un vieil ami qui n'aura d'autre choix que de chanter quand elle le lui demandera. Selon la chanson, elle est passée du violoncelle à l'orgue Farfisa, au ukulélé et même à la guitare électrique avec une bonne dose d'autodérision. Pourtant, avec cet instrument qu'elle n'a pas encore apprivoisé, elle nous a donné l'un des moments musicaux les plus évocateurs de la soirée.

Quant à Faccini, il a atteint une maturité musicale proprement étonnante. Comme si le dépouillement apparent et la finesse des chansons de son dernier album Between Dogs and Wolves, magnifiquement amenées par sa nouvelle composition Wait By the Water, donnaient encore plus de puissance et de conviction à ses excursions dans le blues et les rythmes africains.

Avec cette voix magnifique qu'il a, son jeu de guitare à la fois sobre et inventif et l'appui fusionnel de son ami Prattico, il nous a servi un festin musical qu'on n'oubliera pas de sitôt.

PHOTO SIMON SÉGUIN-BERTRAND, LE DROIT

Piers Faccini en concert à Gatineau, le 20 février.