Louis-Jean Cormier et Michel Rivard se sont rencontrés à Petite-Vallée il y a 20 ans. Jeudi prochain, ils ouvrent «ensemble» Montréal en lumière, un autre festival important. Souvenirs croisés.

Petite-Vallée, 1994. C'était la soirée hommage à Michel Rivard et Louis-Jean Cormier avait chanté La princesse et le croque-notes de Georges Brassens; il avait 14 ans. Après le spectacle, dans la loge, le musicien précoce avait demandé des conseils de guitare à Rick Haworth, déjà le gardien des sceaux du Flybin Band.

Montréal, 2014. Jeudi prochain, le même Flybin Band accompagnera Michel Rivard au spectacle d'ouverture du 15e festival Montréal en lumière, à la salle Wilfrid-Pelletier. L'occasion marquera aussi la «rentrée» montréalaise de Rivard avec la tournée Roi de rien, du titre de son premier CD en huit ans.

À la même heure, dehors sur la place des Festivals, Louis-Jean Cormier présentera une version inédite de son spectacle Le treizième étage qui tourne depuis plus d'un an. Inédite parce qu'on y trouvera, intégrés au spectacle de base à cinq musiciens, des éléments du «show d'église» donné à Saint-Pierre-Apôtre au dernier Coup de coeur francophone et de la tournée en duo que le chanteur a faite dans l'Ouest canadien - jusqu'à Whitehorse, au Yukon - avec Adèle Trottier-Rivard.

Inédite aussi parce que, jeudi, il pourrait faire «30 en bas» dans le parterre... À la bonne heure! «Dehors, la belle affaire, c'est qu'on peut monter les amplis pour avoir un son plus rock, explique Louis-Jean Cormier. Il n'y a pas beaucoup de silences et on peut passer directement d'une chanson à une autre. Il s'agit de faire monter l'énergie...»

Cormier sera entouré de Simon Pedneault à la guitare, Guillaume Chartrain à la basse, Marc-André Larocque à la batterie et, aux choeurs et percussions, Adèle Trottier-Rivard, «la fille de l'autre». Tricoté serré ici...

Michel Rivard raconte: «Quand j'ai écrit Les filles de Caleb, j'ai fait appel à Louis-Jean comme coréalisateur. J'avais composé plus de 35 chansons et j'avais besoin de quelqu'un avec un peu de recul pour placer tout ça. Dans les maquettes, Adèle chantait les voix de femme et, comme d'autres, Louis-Jean a remarqué sa belle voix...»

Points de rencontre

Michel Rivard et Louis-Jean Cormier ont plein d'autres points en commun. Ils ont tous deux été les leaders de leur groupe, Beau Dommage et Karkwa, avant de continuer en solo. Rivard a «enseigné» à Star Académie tandis que le nom de Cormier, coach à La voix cette année, résonne jusque chez les plus jeunes écoliers. Ces deux «gars de gang» sont aussi des maniaques de guitare. Michel Rivard a déjà utilisé les siennes comme décor de scène; Louis-Jean Cormier, lui, en a 28, mais, ces temps-ci, il joue toujours avec la même qu'il vient d'acheter: une vieille Epiphone, comme celle de Paul McCartney.

Michel Rivard, lui, n'aura pas sa nouvelle «guit» pour jeudi, mais cela n'entame en rien son plaisir. «Je suis fébrile, un peu stressé même, mais c'est un bon stress que je réussis à harnacher. Roi de rien est un show tout neuf: on va le faire pour la troisième fois. Simplement. On a enregistré le disque live en studio; le spectacle ressemble à ça: on s'assoit en rond et on joue. Avec, bien sûr, des relectures de chansons que je suis allé chercher dans mon lourd passé...»

Peut-on s'attendre à des apparitions non annoncées de «noms», comme il arrive souvent dans ces grandes soirées? «Je peux certifier qu'il ne se produira rien du genre. J'arrive par contre avec des textes un peu différents, plus poétiques que ce que je livre d'habitude comme présentations.»

La poésie, Michel Rivard et Louis-Jean Cormier l'ont vécue en partage dans Douze hommes rapaillés, ce merveilleux projet de Gilles Bélanger dont Cormier a réalisé les deux CD. «Une conjoncture exceptionnelle, dira Rivard, qui a porté tout le monde à laisser son ego au vestiaire.» Entre les vétérans - Corcoran, Séguin, Lavoie, Lambert, Faubert, Flynn, Rivard - et les chanteurs de sa génération à lui - Léon, Perreau, Vallières -, Louis-Jean Cormier a-t-il noté des différences dans la façon d'aborder le métier et l'art chansonnier? «Aucune différence. Cette belle polyphonie s'est déroulée dans le respect et la confiance. Tout le monde disait: «Où me veux-tu»»

Quand même, il y a des différences entre des baby-boomers nés en 1950 et les jeunes boucs de la génération Y, non? «Certain! lance Louis-Jean Cormier, l'oeil allumé. On est capables de déboguer les ordis plus vite qu'eux autres et ça les fait suer!»

Mais encore? «Ce qui unit les générations, c'est la mélomanie, juge Louis-Jean Cormier. On écoute tous Tom Waits et David Bowie sur vinyles. La différence, c'est que ceux de la génération de Michel écoutent ces musiques depuis leur sortie... Ils ont dans leur bagage beaucoup d'écoute, beaucoup de production: ça se voit, ça s'entend, ça se croit...»

Jeudi soir, trois générations de Montréalais vont descendre dans le Quartier des spectacles pour célébrer l'hiver urbain. Ou la ville nordique... Certains avec Michel Rivard dans la prestigieuse salle Wilfrid-Pelletier, d'autres avec Louis-Jean Cormier sur la plus hot des nouvelles grandes scènes montréalaises. En talons aiguilles ou en mukluks, tous et toutes pour la chanson et le partage de ses plaisirs.

Louis-Jean Cormier, le 20 février à la place des Festivals; Michel Rivard, le même soir à la salle Wilfrid-Pelletier de la PdA.