Une bonne demi-heure avant le spectacle de Nicolas Pellerin et les Grands Hurleurs hier soir, des employés de Montréal en lumière ont passé le balai sur le plancher de la scène extérieure RBC détrempé par la neige. Au bas de ladite scène, une dame de 75 ans - «76 en juin!» - expliquait à son voisin dubitatif que «nous au moins, les tempêtes, on a l'habitude, c'est pas comme au Texas et au Tennessee.» Assidue des festivals qu'il neige, qu'il pleuve ou fasse plus ou moins 40, elle n'aurait pas raté ce rendez-vous avec le Caxtonien Pellerin, chanteur, violoniste et podorythmiste, et ses deux Simon, Lepage à la basse électrique, et Marion, à la guitare et la mandoline.

Dès qu'ils se sont mis à jouer l'entraînante Cabaretier, un peu après 20h, d'autres braves - 87 à vue de nez - qui ont appris à composer avec la réalité de ce pays, qui n'est pas un pays mais l'hiver, sont sortis de nulle part et se sont mis à taper des mains et à lancer de petits cris pleins de bonne volonté.

Musique rassembleuse

Ça tombait à gros flocons et les trois musiciens n'auraient pas été à l'abri eux non plus s'ils ne s'étaient installés en fond de scène. Un peu comme l'aurait fait son frère Fred, Nicolas Pellerin a d'ailleurs souligné avec beaucoup d'à-propos l'efficacité de la «machine à neige» du festival Montréal en lumière.

N'empêche, malgré - ou à cause de? - la tempête, le contact avec le public s'est fait tout naturellement, aidé en cela par la magie de cette musique rassembleuse que l'on qualifie de trad.

Juste avant de se lancer dans la chanson Corsaire, qui a donné leur nom aux Grands Hurleurs, Pellerin a plutôt parlé de folklore extrême, une expression de par chez lui qui convenait parfaitement à ce spectacle en plein air tellement hivernal que les flocons projetés sur l'écran derrière les musiciens avaient un petit quelque chose de ridicule.

La patente

Pendant 55 minutes qui ont passé rapidement, Pellerin et les Hurleurs ont puisé dans leurs albums, tous deux récompensés d'un Félix, y ajoutant une version lente et théâtrale de La prison de Londres.

Leur Rossignolet tenait plutôt du trad-funk avec la basse roulante de Lepage, devenu chanteur principal pour l'occasion. Pour illustrer le travail accompli «entre la vieille patente et la nouvelle patente», Pellerin a fait entendre au public un enregistrement déniché quelque part en Mauricie de la chanson traditionnelle Violette que le trio s'est aussitôt mis à jouer à sa façon.

Mais c'est quand Nicolas et les deux Simon ont joué la suite instrumentale Sieste, composéeen souvenir d'une discothèque de Shawinigan aujourd'hui disparue, que les spectateurs se sont vraiment mis à sautiller sur place.

Ce public courageux, comme l'a souligné Pellerin, n'a sans doute pas chanté le refrain de Corsaire - zimbala zim boum boum, tralala... - avec autant d'entrain que le public allemand dont venait de nous parler le Caxtonien, mais en matière de folklore extrême, il était imbattable.