Aux dernières Francofolies de Montréal, Orelsan et son groupe ont fait exploser le Club Soda. Vendredi prochain, une nouvelle déflagration est prévue en ces mêmes lieux. Autre boum annoncé pour ce très loquace rappeur normand, qui fut consacré en 2012 aux Victoires de la musique  - catégories «musique urbaine de l'année» pour l'album Le chant des sirènes et «révélation du public».

Trois ans plus tôt, Orelsan était mis en nomination pour le Prix Constantin, équivalent français du Polaris canadien et du Mercury britannique. Départ canon? Pas tout à fait... la naissance médiatique d'Aurélien Cotentin, devenu Orelsan, avait été laborieuse.

Sale Pute, un titre du rappeur lancé sur l'internet en 2009, clip à l'appui, avait soulevé l'ire de partis politiques français, de responsables du gouvernement Sarkozy et de groupes féministes. Dans cette chanson, le rapper incarne un mec cocufié qui déverse un fiel particulièrement violent à l'endroit de son ex. Bien assez pour que certains aient oublié qu'il s'agissait bel et bien d'une fiction.

«C'est l'histoire d'un gars totalement bourré et qui s'énerve devant son ordinateur. Le refrain est plein d'ironie... Mais je peux comprendre que certaines personnes n'aient pas pigé...» rappelle Orelsan lorsque joint à Paris, plus tôt cette semaine.

Poursuivi pour «provocation au crime» par l'organisation féministe Ni Putes ni soumises, il fut finalement acquitté en juin 2012 par le Tribunal correctionnel de Paris; on y estimait que le rappeur s'exprimait «dans le cadre de sa liberté d'expression artistique», rappelle-t-on sur Wikipédia.

«J'ai gagné ce procès pour le clip de la chanson, il y en a une autre en attente pour le spectacle et ... je ne sais pas où c'en est. Plainte abandonnée? Je pense oui... De toute façon je gagnerais cet autre procès», assure Orelsan.

Lorsque débarqué aux Francos de Montréal, la Fédération des femmes du Québec a réagi à son tour, affirmant que les paroles d'Orelsan «constituent une incitation à la haine envers les femmes» - citation reprise par Émilie Côté dans La Presse. L'interviewé se souvient et commente en soupirant: «On ne vient pas voir de quoi il s'agit exactement et on déconseille d'assister à mon spectacle... Interdit-on de voir le film West Side Story sous prétexte qu'on y assiste à une scène violente? Bien sûr que je ne pense absolument pas ce que pense le narrateur de cette chanson.»

Pure fiction, donc. Et qu'en est-il du plaisir de provoquer? «La provoc pour la provoc, répond Orelsan, ça ne donne rien. Pour moi, le rap et la musique se fondent sur des émotions qui peuvent parfois être l'expression de choses choquantes, choses que certains ont vécu ou qui leur est passé par la tête. J'aime quand mes textes marquent l'imaginaire mais... de là à subir des procès, non.»

Aujourd'hui, Orelsan estime que «ça s'est pas mal calmé». Ses chansons sont largement diffusées en Europe, il est clairement devenu une pointure du rap français, il est aimé de son public et respecté de ses pairs. Benjamin Biolay l'a recruté sur son dernier album, pour ne citer que cet exemple. «Je crois avoir réussi à imposer l'artiste que je suis. Au début, les gens ne savaient pas trop si j'étais un mec bizarre.»

Effectivement, on aime le sens des mots et la dégaine d'Orelsan, jeune homme de race blanche, fils d'enseignants, originaire d'Alençon en Normandie. Jeune homme éduqué, il fut réceptionniste d'un hôtel de Caen jusqu'à ce que sa carrière de rappeur ne décolle. Pour les raisons qu'on imagine, il est relocalisé à Paris depuis quelques mois à peine.

Se considère-t-il littéraire? «Pas spécialement. J'ai fait des études mais je n'étais pas spécialement un grand lecteur. Ça fait trois ou quatre ans que je me suis mis sérieusement à l'écriture. À la base, je faisais plus du rap pour le côté action, free style. J'aurais très bien pu faire de la guitare rock. C'est la musique qui m'a poussé à écrire. Ça n'a pas été si rapide, en fait. J'ai commencé à faire de la musique à dans les années 90 et je n'ai mis mon travail en ligne que vers 2006. Puis il a eu cette controverse. »

Et après, deux albums ont renversé la vapeur: Perdu d'avance en 2009, et le Chant des sirènes en 2011.

Mise en scène à la manière d'une affriolante comédie musicale au dernier gala des Victoires de la musique, la chanson-titre de son dernier opus raconte «l'histoire de quelqu'un qui se fait prendre dans un tourbillon médiatique, qui se prend la grosse tête et qui part en vrille. À la fin de la prestation des Victoires, le mec se fait tabasser par les danseuses et danseurs qui l'accompagnent», indique son concepteur amusé.

De la fiction, il va sans dire...

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Orelsan et Koriass partagent le même programme: vendredi prochain, 20h, au Club Soda.