Bien sûr, il y a les guerres d'Irlande et les peuplades sans musique. Mais voir un spectacle de la qualité et de la beauté de l'hommage à Jacques Brel présenté dimanche à la Maison symphonique, c'était plus qu'il n'en fallait pour réconforter la moindre âme, même perdue dans un métro rempli de noyés...

Il faut en remercier le metteur en scène et coprésident d'honneur de Montréal en lumière, Luc De Larochellière, qui a eu deux idées de génie. D'abord, aller à l'essentiel, soit un texte, une mélodie, une voix. Ensuite, faire classique, au sens le plus noble du terme: deux chansons par interprète, celui-ci seul au micro, appuyé uniquement par l'exceptionnel piano et les arrangements fabuleux de Benoit Sarrasin.

Pas de blabla, pas de flafla. Chacun des 10 interprètes quittait les planches ou entrait pendant qu'un extrait d'une entrevue donnée par Brel en 1971 était projeté sur grand écran.

Mais le plus incroyable et rare dans ce genre de spectacle hommage? Ces 10 chanteurs connaissaient vraiment bien leur Brel et l'ont «joué» comme lui-même «jouait» ses chansons, sans crainte de postillonner ou de transpirer.

Ils se sont donc succédé sur la scène, habillés de noir: Bïa (qui a proposé notamment une Amsterdam brûlante); Pierre Flynn (qui a repris avec bonhomie et fraternité La bière!); Pierre Lapointe (interprétant Au suivant avec toute la hargne voulue); Danielle Oderra (à 72 ans, elle nous a soufflés avec La valse à mille temps et L'enfance, et nous a bouleversés en lisant une lettre écrite par Brel à sa soeur Clairette, en 1977); Luc De Larochellière (qui en a surpris plus d'un avec sa version physique de Mathilde); Bruno Pelletier (qui a fait fort en reprenant une belle méconnue, Quand maman reviendra, et en chantant en partie sans micro La chanson des vieux amants); Paul Piché (drôle et mordant dans Le moribond, poignant dans Jaurès); Marie-Élaine Thibert (extraordinaire dans ce choix inusité qu'était Les remparts de Varsovie); Diane Tell (qui a dansé sur scène à la fin de Jef); enfin, Marc Hervieux (rigolo pendant Les bonbons, magistral pendant La quête). Une heure et demie de grande chanson, de grande classe, de grand bonheur. Bref, de grand Jacques.

S'il y a eu un hic dans ce spectacle, ce fut peut-être l'écran géant, tellement géant sur scène qu'il attirait plus le regard que les humains qui chantaient devant. Mais cela est peu en regard de la force de ce spectacle. Au cours des 20 dernières années, j'ai vu pratiquement tous les hommages à Brel, à Montréal. Celui présenté à Montréal en lumière dimanche figure en haut de la liste.