Le guitariste Al Di Meola s'amène à Montréal alors que s'achève sa tournée de 15 villes québécoises dont il ne savait à peu près rien avant d'y jouer. C'est l'occasion ou jamais de l'entendre à la guitare acoustique, en duo avec Peo Alfonsi.

Vous avez mis cinq ans entre vos deux derniers albums de musique originale, dont le récent Pursuit of Radical Rhapsody avec votre groupe World Sinfonia. Pourquoi?

Pendant ces cinq années, j'ai lancé deux albums live. De nos jours, les musiciens sont beaucoup moins enclins à s'enfermer dans un studio pour une période de trois à six mois parce qu'il ne se vend presque plus de disques. Par contre, les concerts sont en hausse. J'ai lancé quelque chose comme 28 CD, alors il faut que ça soit vraiment spécial pour refuser une tournée d'un mois comme celle-ci au Québec.

Peter Erskine, qui joue sur votre dernier album, affirme que vous avez beaucoup évolué comme compositeur. Ça vous flatte?

Dieu merci, depuis plusieurs années, les gens parlent de plus en plus de mes compositions. Au cours des 10 ou 15 premières années de ma carrière, on ne parlait que de mon jeu à la guitare et de ma technique, même si je composais à cette époque. Bien sûr que c'est gratifiant.

Cherchez-vous à vous débarrasser de l'étiquette de guitar hero?

Il y a des moments où ce genre d'expression me manque. Tu t'exprimes très différemment avec une guitare électrique qu'avec une acoustique. Je ne veux pas abandonner la guitare électrique, mais qui dit guitare électrique dit amplis, plus de volume et répertoire du passé. Il n'y a rien de mal à en faire un peu, mais je ne sais pas si je pourrais donner un show tout entier comme ça aujourd'hui. Et puis tous les musiciens issus de l'ère du jazz fusion sont à moitié sourds, certains souffrent d'acouphènes, mais ils continuent quand même. C'est incroyable!

Très tôt dans votre carrière, vous vous êtes intéressés à la musique acoustique?

Quand j'ai joué en trio avec Paco de Lucia et John McLaughlin en 1980, je n'avais que 23 ans, mais j'ai vu ça comme une belle occasion de me consacrer davantage à la musique acoustique. Je ne voulais pas me retrouver à 78 ans, prisonnier de ma guitare électrique et de mes amplis. Je ne voulais pas être reconnu uniquement comme un guitariste électrique comme le sont Eric Johnson, Jeff Beck, Allan Holdsworth et tant d'autres.

Vous n'aviez que 19 ans quand vous vous êtes joint à Return to Forever au milieu des années 70. Vous avez dit que la tournée de retrouvailles de RTF en 2008 était une affaire de nostalgie. Est-ce pour cette raison que vous n'étiez pas de la tournée de l'an dernier?

Oui, à 90%. En 1974, Return to Forever c'était nouveau, excitant, avant-gardiste, c'était même un challenge. Mais en 2008, c'était tellement nostalgique! C'était très amusant de revoir les vieux fans qui appréciaient la vieille musique, mais c'était de la fusion datée par opposition à la musique intemporelle d'un Astor Piazzola, par exemple. Chick (Corea) et Stanley (Clarke) approchent de leurs 70 ans (NDLR: Corea a 70 ans, Clarke, 60) et ils jouent encore de la musique à un volume ridicule. Et puis Chick est un musicien phénoménal, mais en affaires - je ne sais pas si c'est à cause de la scientologie ou de ses croyances -, il peut être très injuste. Je le sais pour l'avoir vécu.

Al Di Meola, avec Peo Alfonsi, à L'Astral, ce soir et demain, à 20h. En première partie: Julie Lamontagne solo.