On entend peu d'opéras baroques à Montréal en dehors des productions étudiantes. Le Didon et Énée de Purcell, en version concert avec Daniel Taylor et le Theatre of Early Music, a donc rempli la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, jeudi soir. Preuve que l'on peut faire des miracles sans dépenser des millions quand on a du talent, ils ont donné un spectacle vivant et passionnant sans le moindre décor, costume ni accessoire.

En première partie, on présentait des airs de Handel, Purcell et Tallis. Le ténor canadien Benjamin Butterfield s'y est démarqué avec une expressivité et une voix très touchantes. Le choeur, chantant trois pièces a cappella avec énormément de nuances et de précision, est saisissant.

La distribution est excellente. Les musiciens qui les accompagnent, satisfaisants. Sans posséder une immense voix, Alexander Dobson fait un Énée séducteur et crédible, et on ne se lasserait jamais d'écouter Grace Davidson, cristalline et juste en Belinda.

Seule la soprano hongroise Noémi Kiss, en Didon, jette une ombre au tableau. Rigide comme une statue, sans la moindre présence sur scène, elle ne sait convaincre ni quand elle aime ni quand elle meurt. La lamentation finale, When I Am Laid In Earth, sommet dramatique de l'opéra, est aussi émouvante que si elle récitait sa liste d'épicerie.

Au second acte, voilà que Daniel Taylor détache sa queue de cheval, ébouriffe sa tignasse, quitte sa place de chef et saute sur scène où il se métamorphose en une magicienne hilare, gesticulant de temps à autre vers le choeur en un curieux dédoublement de personnalité chef-chanteur. Il a l'air de jubiler. L'exploit donne une impression quelque peu mégalomaniaque, mais ça fonctionne! Car nonobstant ses diversions capillaires, il chante avec panache, sa conception de l'oeuvre est cohérente et il dirige d'une main de maître.