À l'occasion de la vitrine offerte à la culture gastronomique et musicale de la région Wallonie-Bruxelles pendant le festival Montréal en lumière, regard sur la petite scène musicale belge, qui prend tous les moyens pour attaquer le marché mondial, quitte à en perdre sa langue.

Il y a 60 ans cette année, le grand Jacques Brel faisait ses débuts dans les petits cabarets de l'Îlot sacré, quadrilatère animé de Bruxelles coincé entre la place de la Monnaie et la Grand Place. Ah, Brel, l'ambassadeur de la musique belge, à qui on rendra hommage le dimanche 26 février pendant Montréal en lumière... Mais encore? Quels autres artistes belges définissent leur scène?

Maurane, Axelle Red, Arno, Plastic Bertrand, qui ne chantait même pas ses tubes, a-t-il fini par admettre. Les plus intéressés évoqueront Sttellla, symbolique personnage de la scène musicale belge francophone. Les plus électrophiles rappelleront le riche héritage de R&S, label flamand pionnier de la techno européenne. Les férus de musique du monde reconnaîtront dans la Belgique un vivier de talents, notamment grâce à Crammed Disc.

Tout ça est déjà remarquable, mais un peu daté. Fouillons donc, puisque la Wallonie connaît un véritable renouveau de talent depuis quelques années tandis que la Flandre et la capitale, Bruxelles, maintiennent leur rôle moteur de l'industrie musicale belge.

«Il faut d'abord comprendre qu'il y a deux industries chez nous: celle de la Flandre, puis la francophone», explique Dominique Ragheb, journaliste au réseau public RTBF, directeur musical de la Première (radio) et animateur de l'émission La Première écoute.

Deux mondes, sans doute encore plus éloignés que les proverbiales solitudes canadiennes: «Les artistes flamands fonctionnent beaucoup dans leur marché, mais ne traversent pas du côté francophone, dit Ragheb. L'inverse est aussi vrai exception faite de Stromae, dont le succès a touché tous les marchés.»

Depuis quelques années, un nouveau pont linguistique s'est pourtant formé entre les deux régions qui forment la Belgique: la pop anglophone. Les Flamands ont Milow, Soulwax/2 Many DJs, Zita Swoon. Les Belges francophones ont Puggy (formé de musiciens non belges), The Tellers, ou encore Ghinzu, dont l'album Mirror Mirror, lancé en 2009, s'était hissé en 17e position des palmarès en France.

Conséquence: en France, on parle même d'une scène rock belge, commente le vétéran de l'industrie musicale belge Claude Martin, cofondateur de Team4Action.

«J'ai vu à plusieurs reprises, dans des articles, la mention c'est du rock belge. Et ça signifiait autre chose que la provenance géographique. Plutôt un certain style de rock, ou de pop alternative pourvue de qualités mélodiques», effectivement très inspiré de la brit-pop classique des années 90.

Ainsi, pour Martin, vivre de sa musique en Belgique exige de sortir des frontières. «Très peu de musiciens belges parviennent à soutenir une carrière uniquement en Belgique. Ici, le grand succès passe toujours par la France.» Et de plus en plus par l'expression en anglais.

En concert le 25 février, Été 67 défend la langue de Brel, mais avec les accents du rock des États-Unis. «On est des gens de 28 ans qui cherchent leurs influences musicales du côté américain, alors que nos textes sont francophones à commencer par Jacques Dutronc, avec qui on a eu la chance de partager la scène aux Francos de Spa», indique le bassiste Nicolas Berwart.

Regain d'énergie

Établi à Liège, Été 67 fait partie d'un collectif de musiciens et producteurs unis sous le label JauneOrange. Comme Martin et Ragheb, il confirme que la scène musicale belge connaît un regain de dynamisme depuis peu, notamment à Liège, «où sont basés la majorité des jeunes groupes qui iront à Montréal en lumière, comme My Little Cheap Dictaphone (MLCD) et The Experimental Tropical Blues Band. Et ce n'est pas un hasard: nous nous sommes organisés, JauneOrange est devenu un incontournable de la scène indé belge.»

Formé par des musiciens lassés de ne pas être reconnus par les labels établis en Belgique, les membres du collectif ont pris les choses en main. «Ils ont lancé pas mal de groupes qui ont connu du succès, indique le bassiste. Girls in Hawai, MLCD, d'autres arrivent. Ils organisent beaucoup de concerts, forment des alliances avec des groupes internationaux. Et ça fonctionne.»

«Beaucoup choisissent de s'exprimer en anglais, et on comprend, ajoute Berwart. Mais lorsque Girls in Hawaï fait l'Olympia de Paris, ou quand nous donnons des concerts au Québec, ça décomplexe les autres musiciens francophones de Belgique. Auparavant, il n'y avait que les groupes flamands qui pouvaient espérer percer en Europe; aujourd'hui, les musiciens de la communauté francophone y parviennent aussi.»

Les espoirs



Baloji

www.baloji.com

Ex-Starflam, le rappeur Baloji revendique ses origines congolaises de brillante manière, d'abord sur son premier disque, Hôtel Impala, puis sur sa version rumba-roots Kinshasa Succursale.

Labiur

www.labiur.be

Passée en coup de vent l'automne dernier au Coup de coeur francophone, Labiur rappe sur des rythmiques électro comme une version wallone de Peaches.

My Little Cheap Dictaphone

www.mylittlecheap.net

Cousin belge de Coldplay, My Little Cheap Dictaphone trimbale un spectacle à haute teneur cinématographique découlant d'un premier album salué dans le monde. Une des plus vives révélations des dernières années.

Suarez

www.suarezlegroupe.be

Quatuor formé d'un chanteur belge et de musiciens d'origine malgache, Suarez promet un nouvel album, L'Indécideur, pour mars prochain. Attendez-vous à de la nouvelle chanson pop francophone inspirée et accrocheuse.

Experimental Tropical Blues Band

www.tropicbluesband.com

Le Jon Spencer Blues Explosion a un cousin belge chez ce groupe liégeois, présentement en tournée mondiale pour appuyer la sortie de son solide deuxième disque, Liquid Love.

Jali

www.myspace.com/jalismusic

Armé d'un premier album lancé chez Barclay/Universal France, l'auteur-compositeur-interprète bruxellois (aux origines rwandaises) Jali charme des foules de plus en plus nombreuses avec sa chanson à texte et à grooves.

Ghinzu

www.ghinzu.com

Une des têtes d'affiches de la nouvelle scène rock anglophone belge, Ghinzu a fait parler de lui un peu partout en Europe suite à la sortie remarquée de son plus récent album, Mirror mirror. De sonorité plus abrasive que ses confrères.