Beau petit mercredi soir au Club Soda, alors que Montréal en lumière invitait l'inénarrable Yves Lambert, son Bébert Orchestra et son protégé Juan Sebastian Larobina à titiller les mollets montréalais. Peu nombreux mais plein d'entrain, les festivaliers ont dansé sur les rythmes traditionnels d'ici et d'Amérique latine, pas si éloignés les uns des autres.

Décidément, il y avait trop peu de spectateurs pour des performances d'une telle qualité. Dommage, mais ce n'est certainement pas l'entrain qui manquait dans ce Club Soda au tiers plein. De beaux visages, des jeunes autant que des vieux, et plusieurs membres de la communauté latino de la métropole ayant répondu à l'invitation de l'auteur-compositeur-interprète Juan Sebastian Larobina, qui profitait de l'occasion pour lancer son premier album, Somos, sur l'étiquette La Pruche libre, dont Lambert est le patron.

Le parcours atypique de Larobina a sans doute captivé ce rêveur de Lambert: né en Argentine, transitant au Mexique avant de s'installer en Gaspésie, où il a vraisemblablement découvert la musique folklorique québécoise. Pour le grand public, un premier contact avec le musicien s'est fait grâce au duo L'âme du cueilleur, chanson au texte brillant (le Québécois dans le Sud en vacances, le Mexicain chez nous pour travailler) tiré de Le bal à l'huile, plus récent album d'Yves Lambert.

Bref, c'était déjà la fête à notre arrivée. Entre charango et rigodon, la proposition de Larobina est enjouée, entraînante et rafraîchissante.

Passé 21 h, Yves Lambert et les deux configurations de son Bébert Orchestra ont pris le relais, alternant entre les formules trio - leur enchaînement de trois chansons instrumentales irlandaises était fameux - et quintette pour distribuer ses truculentes chansons du terroir, genre Pauvre vieille, vendeuse de pot («C'était une pauvre vieille/qui vendait du bon foin»), dont Lambert vantait le «côté aphrodisiaque» - de la chanson, pas de l'herbe!

Toujours, son art de la tradition qui tend vers la modernité. Comme à la belle époque de la Bottine souriante, le trad de Lambert cherche, dans le jazz, les rythmes latins (son ami Larobina est venu le rejoindre sur scène), le funk, même un amusant et fort réussi clin d'oeil au hip-hop pendant son interprétation de La Ziguezon, chanson ancienne et anciennement revitalisée par la Bottine, époque Chic & Swell du début des années 80. Son hommage au regretté Jean-Paul Filion, disparu le 26 décembre dernier à l'âge de 86 ans, redonnait vie au riche répertoire qu'il nous a laissé.

«Ça a fait huit ans le 12 janvier dernier que j'ai quitté la Bottine», rappelait-il. Elle ne s'en est jamais vraiment remise, la pauvre, mais son esprit demeure dans le travail de ses anciens membres, dans le répertoire de Lambert, notamment. Et de reprendre un classique parmi les classiques des concerts de la Bottine, Le Démon sort de l'enfer, «sur le mode thérapeutique et défoulatoire», qui a rallumé le public.

Bon concert, à revoir, en espérant que l'occasion se représentera, puisque Lambert est un homme passablement occupé. Les répétitions pour l'opéra-folk Les filles de Caleb, dont la première aura lieu en avril, viennent de commencer et le folkloriste y incarne le Caleb en question.