Le Cirque Alfonse a ouvert les festivités de Complètement cirque de belle façon jeudi soir avec sa grand-messe baptisée hardiment Tabarnak.

La troupe de Lanaudière n'avait pas créé de nouvelle pièce depuis son cabaret électro-trad, Barbu, en 2014. Les hommes forts de Saint-Alphonse-Rodriguez étaient donc un tantinet fébriles, on le sentait bien en les voyant tricoter sur scène avant le début du spectacle. Un signe de croix était donc de mise.

À la fin, si on se fie à la réaction du public, on peut dire que leurs prières ont été exaucées.

Vieilles raquettes en babiche, skis de fond, bâtons de hockey, jeu de poches, vieux trophées, orgue et bancs d'église surmontés par un énorme vitrail hissé au-dessus de la scène, les accessoires témoignent de cette époque à la fois bénie et honnie où la religion était omniprésente.

Évidemment, le mot « tabarnak » peut être lâché dans un moment de grande colère, mais aussi dans un moment de bonheur absolu, le sourire fendu jusqu'aux oreilles. C'est plutôt dans ce contexte qu'il faut interpréter le titre provocateur d'Alfonse, qui s'est servi de l'imagerie de l'Église - toujours avec respect - pour explorer notre rapport au sacré, à notre passé et à ce qui nous lie aujourd'hui.

La pièce acrobatique s'ouvre en musique, avec le fabuleux trio électro-trad mené par David Simard, qui contribue largement au succès de ce très festif Tabarnak

On retrouve également avec plaisir la cofondatrice de la troupe, Julie Carabinier Lépine - absente des derniers spectacles -, qui a une présence magnétique et qui chante... divinement.

Le contenu acrobatique est tout de même costaud pour ces artistes de cirque d'expérience (certains d'entre eux approchent la quarantaine, ce qui en fait des oiseaux rares!). Les deux nouvelles têtes d'affiche d'Alfonse, Nikolas Pulka et Jean-Philippe Cuerrier, leur donnent ainsi un coup de jeune. Une belle mixture avec le noyau dur formé d'Antoine Carabinier Lépine, Geneviève Morin, Julie Carabinier Lépine et Jonathan Casaubon.

Acrobatiques et originaux

Si certains numéros tanguent vers le folklore un peu facile - de la danse en ligne en patin à roulettes ou une gigue de groupe assis - ou s'étirent parfois dans l'élaboration de figures pyramidales ou de colonnes humaines, il faut souligner ici l'originalité de certains segments acrobatiques, carrément brillants.

On pense à ce numéro de corde sur poulie où deux artistes (en slip !) tirent de leur côté à tour de rôle, projetant l'autre dans les airs à la manière d'une cloche d'église qu'on fait sonner. Un tableau magnifique - à la fois théâtral et acrobatique et en plein dans le thème du spectacle - qui culmine avec un numéro de sangles exécuté d'un côté.

Autre très beau moment: la manipulation d'encensoirs, qu'au moins trois interprètes font tourner au-dessus de leur tête. Encore une fois, un numéro théâtral et acrobatique qui fait mouche. 

Chaque fois, les membres d'Alfonse se donnent à fond, mais sans prétention, avec un humour toujours empreint d'autodérision et beaucoup, beaucoup de coeur et d'humanité.

Alfonse, qui ne semble reculer devant rien, s'est même permis de faire quelques acrobaties à la barre russe (pas sûr que les coups de fouet étaient nécessaires, cependant) et à la balançoire - là encore, comme pour la plupart des numéros, tous les membres de la troupe sautent dans la mêlée pour y mettre leur grain de sel. Même si leurs performances sur ces appareils sont plus de base.

Moment de grâce vers la fin de Tabarnak lorsque trois artistes tournent sur eux-mêmes revêtus d'une tunique de laine (celle qu'ils tricotent au début), qui donne au spectateur l'impression de voir trois cloches d'église. Ce numéro quasi mystique, qui rappelle les derviches tourneurs, est à la fois simple et magique.

Alfonse, qui s'est fait remarquer grâce à ses spectacles Timber et Barbu, cabaret, électro-trad, frappe fort avec ce Tabarnak exigeant et original, qui devrait charmer nos voisins du Sud et d'outre-mer.

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Tabarnak. Spectacle du Cirque Alphonse mis en scène par Alain Francoeur. Jusqu'au 11 juillet à la TOHU.