C'est la sixième fois que la troupe australienne Circa se produit à Montréal, et l'on peut dire qu'elle mérite amplement son titre de chouchou. Hier à la TOHU, pour la soirée d'ouverture du sixième festival Montréal complètement cirque, les sept acrobates de Beyond ont réussi encore une fois à surprendre le public.

Avec sa succession de numéros individuels entrecoupés de numéros de groupe, Beyond est plus traditionnel que ce que Circa nous a présenté au cours des dernières années - Opus, qui tenait plus de la danse contemporaine, ou S, qui nous entraînait dans un univers sado-maso assumé. Mais il y a dans chaque scène de cette oeuvre d'une heure trente tellement de créativité, d'intelligence et de force acrobatique qu'on ne peut que conclure à la réussite.

D'entrée de jeu, un narrateur nous invite à franchir la ligne qui sépare le rêve de la réalité. C'est là que nous mènera Beyond, dans l'inconscient, les cauchemars et les hallucinations d'une troupe d'acrobates qui n'ont peur ni du risque ni de l'autodérision. Corps couronnés de têtes de lapin, bruits de grillons dans la nuit, éclairage nocturne, on est du côté de l'onirisme, mais aussi de l'absurde et du burlesque. Tout est possible dans le monde de Beyond.

Il est possible de se contorsionner à toute vitesse, accrochée à une sangle, avec des gestes de poupée désarticulée. De réussir un cube Rubik pendant que tout le reste de la troupe nous grimpe dessus ou s'accroche à nous. D'entrer la tête et une jambe dans le cadre d'une raquette de tennis. De faire un numéro complet d'équilibre les yeux bandés, pendant que la salle retient son souffle.

Comme d'habitude chez Circa, les rôles ne sont pas sexués - la troupe est d'ailleurs composée de quatre filles et trois garçons.

C'est une femme forte, imperturbable, qui est la principale porteuse, debout, assise ou accrochée à un trapèze fixe. C'est encore une femme qui, couchée sur la scène après avoir fait un grand écart sur le dos, se fait sauter sur l'estomac par un voltigeur plus léger qu'elle.

Quelques longueurs malgré tout

Car il faut le dire, il y a toujours un peu de souffrance dans les créations du metteur en scène Yaron Lifschitz. Ici, on se tire par les cheveux ou l'on s'attrape par la bouche, on se fait faire un tour de bras de 360 degrés (on vous jure, on l'a vu). Le summum est atteint avec cette longue scène de cauchemar, où le personnage se cogne sur le bord de la scène en essayant d'y remonter ou se laisse chuter brutalement.

La salle est alors survoltée pour la dernière ligne droite du spectacle, alors qu'on aura droit à une scène surréaliste où tous les acrobates, debout en ligne, imitent chacun leur tour et très brièvement des gestes et des sons d'animaux. Cela vire évidemment au zoo total pour les dernières acrobaties au sol - avec lancer de chaises en prime -, qui nous mènera jusqu'au numéro final de mât chinois en groupe, où l'on joue à celui qui se laissera glisser le plus près du sol.

Malgré la beauté de moments plus lents - cette immense toile bleue qu'on fait glisser juste au-dessus de la tête des spectateurs, comme une vague, est d'une grande poésie -, Beyond comporte quelques longueurs. Certains enchaînements viennent briser le rythme et appuyer un peu trop le thème du rêve.

Reste cependant que sans surabondance de symboles, en suivant quelques bonnes idées et surtout en amenant ses interprètes là où peu d'artistes de cirque vont, Beyond est un spectacle non seulement cohérent et divertissant, mais aussi vraiment impressionnant.

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Beyond, à la TOHU jusqu'au 5 juillet.