Le Cirque Alfonse a fait le tour du monde avec ses deux précédents spectacles: Timber, qui se déroulait dans l'univers des camps de bûcherons, puis le cabaret «électro-trad» Barbu. La troupe de Lanaudière ouvrira le festival Montréal complètement cirque demain à la TOHU avec sa nouvelle création, Tabarnak, dont l'action se passe à l'église. Visite dans les coulisses d'un spectacle qui se veut plus rassembleur que choquant.

L'église

«Au début, on imaginait créer un nouveau spectacle autour des contes et légendes du Québec, raconte Antoine Carabinier-Lépine, codirecteur artistique du Cirque Alfonse avec sa soeur Julie, que nous avons rencontré la semaine dernière en répétition à la TOHU. Mais on trouvait qu'il manquait quelque chose, que ça avait été vu et revu. Puis est arrivé le concept de l'église, et tout le monde s'est mis à avoir des idées. Mais ce n'est pas tant la religion qui nous intéresse que ce que représente l'église dans la société.» Racines, folklore, symbolique, ce nouveau spectacle est à l'image d'Alfonse, «le plus québécois des cirques québécois», dit en souriant Antoine Carabinier-Lépine. «Il est surtout question de patrimoine québécois et religieux, confirme le metteur en scène Alain Francoeur. Même si le Québec n'est plus pratiquant, il y a une appartenance, un lien. Nous sommes partis de ce point de vue pour nous questionner.»

Le titre

On s'entend, intituler son spectacle Tabarnak n'a rien d'anodin. «Mais il n'y a qu'une chose qui est choquante dans ce spectacle, et c'est son titre, croit Antoine Carabinier-Lépine. Ceux qui accrochent sur le mot, ils vont constater en voyant le show qu'on ne s'attaque ni à l'Église ni à la religion. C'est plus rassembleur qu'une critique, car il y a un côté qui englobe toutes les religions, dans les costumes, dans la musique. Au final, on peut-tu juste être heureux et vivre comme on se sent?» «C'est une ouverture à l'autre», ajoute Alain Francoeur, qui a dû travailler sur une ligne très fine pendant toute la création du spectacle. «Je suis revenu à l'essence du mot, à son symbole émotif. Ici, tabarnak, ce n'est plus un sacre. Le mot est plutôt porteur d'une imagerie, d'une émotion, d'une identité, d'une manifestation linguistique.»

La barbe

Après avoir accueilli Jean-Philippe Cuerrier sur Barbu, le Cirque Alfonse a recruté pour Tabarnak un autre nouvel acrobate, Nikolas Pulka, sorti l'an dernier de l'École nationale de cirque. Est-il nécessaire d'arborer la barbe pour être admis dans la troupe? Antoine Carabinier-Lépine sourit. «Oui et non. C'est notre marque de commerce, mais Tabarnak n'était pas prédestiné à ce qu'on ait la barbe. Sauf qu'on joue Barbu juste après, on est un peu coincés avec ça. On va juste la tailler pour être moins ébouriffés.» Les nouveaux membres sont cependant la plupart du temps déjà des amis. «On n'est pas du genre à faire des auditions, admet Antoine. C'est important qu'on s'entende bien, on voyage beaucoup, on est tout le temps ensemble.» En effet, Alfonse a donné 220 spectacles en 2016, la plupart à l'étranger. «Alfonse est plein d'ouverture, explique Alain Francoeur, mais ce principe familial, dormir chez Julie et Jo, créer de 9 à 5 dans la grange, manger avec la famille, c'est sympa, mais ça ne convient pas à tout le monde.»

La poésie

«Dans ce spectacle, on fait des choses qu'on n'avait jamais faites», affirme Julie Carabinier-Lépine. Comme la fameuse balançoire russe, qui sera une «envolée festive» en fin de spectacle, annonce Alain Francoeur. «Ça faisait longtemps qu'on voulait en faire, dit Julie Carabinier-Lépine. On a pratiqué dans le jardin chez mes parents, parce qu'elle ne rentrait pas dans la grange... Nos figures de main à main aussi seront imposantes, on fait deux colonnes à trois, ce sont des grosses figures de groupe qui vont haut.» Ce spectacle, ajoute-t-elle, sera leur plus technique. Et si Alfonse n'a rien perdu de son humour, il donnera aussi matière à réfléchir. «Nous avons de l'expérience et nous savons jusqu'où nous pouvons aller, dit-elle. C'est l'fun d'aller une coche au-dessus, ce qui donne un show plus poétique, pas sérieux, mais beau. Je crois que les gens seront émerveillés et touchés.»