Étienne Saglio jongle avec l'illusion pour donner vie aux objets. Son spectacle Le soir des monstres enchante et mystifie. Magie noire dénuée de méchanceté.

On entre chez Étienne Saglio sur la pointe des pieds. Le désordre règne et on ne voudrait pas déranger le maître des lieux, très occupé à fabriquer des balles avec du fil de fer.

Il finit par longuement et habilement jongler avec ses balles plus ou moins difformes qui se multiplieront, puis se feront récalcitrantes.

Tout ce que crée ou touche cet apprenti sorcier moderne se retournera contre lui, quand il cherchera à dompter et contrôler plutôt qu'à charmer.

Le gringalet au manteau noir, à l'image du grand blond à la chaussure noire incarné par Pierre Richard au cinéma, ne cherche pourtant qu'à surmonter la solitude en imaginant et fabriquant des amis avec des animaux (dont de magnifiques oiseaux volants) faits de cordes, de tuyaux, de cannes, de râteaux, de lampes, de crochets...

Métaphores et poésie

Beaucoup de métaphores visuelles, de subtilité, de tendresse, voire de poésie chez ce clown triste qui entend et nous communique le bruit des choses vivantes.

On s'attendrit avec lui, on voudrait jouer aussi. Mais le jongleur-magicien est aussi ce roi qui se meurt à la fin, se prenant la tête à deux mains, se défigurant sous des éclairages maléfiques. Tout ne sortait donc que de sa folle tête folle.

Le soir des monstres est le crépuscule d'un enfant tantôt moqueur, tantôt derviche tourneur, naïf, colérique et touchant.

Un seul problème avec ce très beau spectacle de théâtre muet: plus on est loin de la scène, moins on y voit clair. L'artiste a besoin d'obscurité pour créer l'illusion, mais une salle de moindre taille aurait sans doute été plus adéquate pour accueillir cette performance toute en finesse.

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Le soir des monstres est présenté à 20h au Théâtre Outremont jusqu'à dimanche.