Non, Mathieu Levavasseur ne bégaie pas. L'auteur de ces lignes non plus. C'est bien son nom, Levavasseur. Héritage du moyen âge qui n'a pas tout à fait traversé l'Atlantique, où le «vavasseur» était le vassal d'un vassal...

Dès sa sortie du Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne (CNAC), en France, il y a 14 ans, Mathieu Levavasseur a formé avec six diplômés de cette école réputée le collectif Baro d'Evel («Nom de Dieu!» en rom).

En 2007, il a quitté la bande pour former sa propre compagnie. Dans ce collectif, les six artistes se faisaient appeler les Barolos. Quand il est parti seul, il s'est rebaptisé Barolosolo. Voilà pour les précisions étymologiques.

L'artiste de cirque (spécialisé dans les portées et les bascules) et musicien a notamment créé un spectacle de rue, Le chariot, où il fait des portées acrobatiques avec son violoncelle, qui lui sert de voltigeuse. Pour créer Île O, Mathieu Levavasseur a encore une fois voulu combiner cirque et musique.

«Pour ce spectacle, je voulais travailler dans l'eau. Mais j'avais envie aussi de travailler en duo. J'ai donc retrouvé un ancien Barolo, William Valet, spécialisé en mât chinois, et on a conçu ce spectacle un peu clownesque en s'entraînant dans l'eau.»

En mettant les pieds dans l'eau, Mathieu Levavasseur s'est rendu compte qu'il avait plus de difficulté à porter son partenaire lorsqu'il était mouillé. William avait aussi de la difficulté à réussir ses numéros de mât chinois. Bref, lui pouvait bien se mouiller, mais son partenaire devait rester au sec.

«C'est comme ça qu'on a trouvé le concept du spectacle, raconte-t-il. C'est devenu un jeu entre lui et moi. Un jeu où moi, je me mouille, mais pas William. Du coup, ça a créé un rapport clownesque entre les deux personnages.»

Avec son violoncelle en carbone posé dans l'eau, Mathieu Levavasseur joue donc tout en se mouillant, tandis que son partenaire, William, qui joue de la guitare, fuit l'eau. Ensemble, ils ont composé la musique et poussent même la note en chantant quelques airs.

«Au départ, ça ne devait pas être un spectacle clownesque, mais comme la situation est clownesque, c'est comme ça qu'on pourrait qualifier le spectacle. Nos personnages ne sont pas des clowns à proprement parler. C'est vraiment une comédie de situation, en fait.»

Habituellement présenté en extérieur, - une version écourtée de 40 minutes du spectacle O Temps d'O - sera joué pour une rare fois en salle, dans un petit bassin transparent entouré de barrières et surmonté d'un portique.

Quant au mât chinois, au lieu d'être fixé au sol, il sera tenu par Mathieu Levavasseur. «C'est une nouvelle technique qu'on a élaborée ensemble, explique-t-il, et qui me force à constamment trouver l'équilibre du voltigeur.»

Autre originalité du rapport entre les deux hommes de 40 ans: même s'il est porteur, Mathieu Levavasseur n'est pas beaucoup plus costaud que son partenaire. «Comme il n'y a pas une grande différence de poids, ça fait partie de la performance.»

Avant d'arriver à Montréal pour la première fois, le duo a présenté Île O à Houston (au Texas), à New York (au Brooklyn Bridge Park) et à New Haven (au Connecticut). Un spectacle familial, donc, lancé avec succès dans le circuit des festivals internationaux depuis deux ans.

«Je crois que c'est un spectacle très novateur, au sens où il n'y a pas de numéro de cirque comme tel, précise Mathieu Lavavasseur. On fait du cirque par la force des choses en partant du principe que William ne veut pas se mouiller. C'est du cirque décalé, moins axé sur la performance, mais qui emprunte une forme originale.»

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À la Maison Théâtre jusqu'au 13 juillet.