Ils arrivent sur scène tels des réfugiés. Traînant avec eux des caisses de bois contenant des briques, un coffre rempli de coquilles d'oeufs, deux balais et une corde. C'est avec ce modeste attirail que les six interprètes de la compagnie française Lapsus construisent l'univers tragicomique de Six pieds sur terre.

Le préambule s'étire un peu, mais on garde en mémoire l'image de cet oeuf cuit que les six personnages se partagent. Le leitmotiv de cette jolie petite forme théâtrale.

Pendant que chacun s'affaire à construire une tour ou un parcours avec les briques déposées sur la scène, les interprètes y vont de quelques figures acrobatiques d'équilibre ou de main à main. Mais rien n'est gratuit et tout est question d'entraide dans ce spectacle où le cirque côtoie le théâtre. Où le succès d'un numéro dépend, bien souvent, de l'apport des autres.

Le meilleur exemple est ce duo où l'un des interprètes virevolte ou se laisse tomber à la manière d'un pantin tandis que son partenaire le rattrape, le soulève, l'assied, l'allonge ou le remet sur pieds. Ou alors ce numéro de jonglerie où chacun contribue à la performance du jongleur principal. Toujours ensemble.

Une fois les briques savamment assemblées, à la manière d'un village ou d'un quartier, des bruits de bottes et de bombes, suivis du passage d'un hélicoptère téléguidé, viennent tout dévaster. Ce qui fera dire à l'un des personnages, découragé: «Tout ce qu'on construit finit toujours par tomber...»

Ce qui n'empêche pas nos six amis de reconstruire le décor avec ces petites briques, tout en évoquant au passage des souvenirs d'enfance. Comme quoi avec un peu de courage et de créativité - et aussi un peu d'aide -, on peut rendre à nouveau fertile son petit lopin de terre. Ce que font avec succès les six interprètes en habitant la scène autrement déserte.

Clins d'oeil astucieux

Ce spectacle finement mis en scène n'est pas exempt d'humour. Comme en fait foi le duo de main à main de deux interprètes représentant des statues, qui font leurs numéros sur un petit socle de briques tiré par le reste du groupe. Pas des scènes qui font hurler de rire, mais des clins d'oeil astucieux qui sont le fruit d'une longue recherche.

Enfin, tout le segment avec les coquilles d'oeufs dispersées sur la scène est brillamment construit. Avec cet unicycliste qui roule d'abord à travers les coquilles sans jamais les briser. Puis, au contraire, en roulant dessus afin de les écraser. Le spectacle se terminera en apothéose dans une tempête de poudre de coquilles d'oeufs.

Comme quoi on est né poussière et l'on retournera poussière. Mais entre les deux, heureusement, il y a l'amitié et la solidarité. Parfois.

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Au Théâtre Outremont jusqu'au 8 juillet.