Le Suisse David Dimitri incarne à lui seul l'essence du cirque. Saltimbanque dans l'âme, il trimballe depuis 12 ans dans son petit chapiteau son spectacle L'homme-cirque, dans lequel il fait tout. Littéralement.

David Dimitri est un enfant du cirque. Fils d'un clown célèbre en Europe - le clown Dimitri -, il a appris son art à l'École nationale des arts du cirque de Budapest, la danse à la Juilliard School de New York, et a travaillé en tant que funambule - sa spécialité - et acrobate dans des troupes comme le Big Apple Circus et le Cirque national de Suisse Knie.

«J'ai même travaillé au Cirque du Soleil, ce qui est comme une médaille pour bien des artistes, nous a raconté au téléphone la semaine dernière David Dimitri, pendant qu'il supervisait l'installation de son chapiteau au Festival d'été de Québec. Mais ce genre de spectacle vient avec un corset très strict. On peut difficilement l'influencer ou expérimenter des choses, et j'avais besoin de sortir de cette hiérarchie traditionnelle.»

L'artiste avait envie d'être le seul maître à bord. En 2001, il a réalisé le rêve fou d'acheter son chapiteau et de partir sur la route avec ce spectacle dans lequel il joue tous les rôles : acrobate, musicien, maître de cérémonie, mais aussi chauffeur de camion et directeur de tournée...

«J'ai le contrôle sur tout ce que je fais. Je peux choisir où je veux jouer, et si je le désire un soir, je peux supprimer une partie du spectacle, essayer autre chose...»

Une souplesse et une liberté qu'il savoure à chaque instant, mais qui viennent évidemment avec des contraintes. «On peut se casser la figure, pas seulement avec les acrobaties, mais économiquement aussi. Si je suis malade, si je me blesse, il n'y a plus de spectacle.»

Il y a deux semaines, à New Haven, au Connecticut, David Dimitri a d'ailleurs raté l'atterrissage de son numéro d'homme-canon. Cet événement ainsi que la mort de l'acrobate Sarah Guyard-Guillot dans le spectacle KÀ du Cirque du Soleil lui ont rappelé la précarité de son métier.

«Normalement, je me propulse puis m'accroche à une corde lisse. Cette fois-là, j'ai raté la corde et je suis tombé. J'ai fait ce numéro des milliers de fois, c'est la première fois que ça m'arrive.»

Carburer au danger

Bien sûr, un artiste comme David Dimitri carbure au danger et à l'adrénaline, sur le fil (de fer) entre la vie et la mort - il marche à 13 mètres au-dessus du sol, sans filet ni sangle. Mais il est conscient que la moindre seconde d'inattention peut être fatale.

«Quand je marche sur le fil, chaque doigt de pied doit être exactement à sa place, au millimètre près. Quand on commence à ne plus réfléchir, quand ça devient trop confortable, c'est là que c'est dangereux.»

C'est grâce à son immense expérience que David Dimitri peut aujourd'hui être l'homme à tout faire de son spectacle - ainsi, pas de danger que quelqu'un lui pique son concept... «J'ai la chance d'avoir un assez grand répertoire technique. C'est impossible à reproduire! Ça ne s'apprend pas à l'école...»

Sa polyvalence est impressionnante: en plus de ses numéros de funambule et d'homme-canon, il fait du cheval d'arçon, de la planche sautoir, joue de l'accordéon et de la trompette...

«Mais je ne m'appelle pas l'homme-cirque de manière présomptueuse. Je ne suis qu'un artiste qui présente son monde à sa façon.» Un monde ludique, léger et poétique dont la proximité est une des forces.

«Je travaille à un mètre des gens. Je suis donc toujours en communication avec eux. C'est fondamental: sinon, ce spectacle ne serait qu'une démonstration technique.»

À 50 ans, David Dimitri fait exactement ce qu'il veut et se voit continuer longtemps. «Je vise 60 ans, dit-il en rigolant. Mais je ne suis pas inquiet: plein d'autres aspects du monde des arts m'intéressent. Si je ne vais plus sur le fil, je trouverai autre chose.»