Objet inclassable qui parle autant au cerveau qu'aux tripes, Leo est finalement présenté ici à l'occasion du Festival Montréal complètement cirque. Lors de la première, samedi, on a pu enfin constater pourquoi la pièce sans paroles mise en scène par Daniel Brière a charmé autant de monde depuis sa création au Fringe d'Édimbourg en 2011.

On a beau lire sur Leo et son concept - à droite, le comédien Tobias Wegner enfermé entre trois murs nus, filmé par une caméra placée dans un angle de 90 degrés, à gauche, un écran sur laquelle l'histoire de Léo prend vie -, il faut l'expérimenter pour en saisir à la fois sa simplicité et sa totale complexité.

En fait, ça ressemble à une idée de génie. Lorsque Tobias Wegner est couché sur le dos, les pieds au mur et sa mallette à côté de lui, sur l'écran, on voit Léo tranquillement assis dessus. Un univers parallèle s'ouvre donc à nous, qu'on apprivoise peu à peu, au même rythme que lui.

Au début en effet, Leo découvre ses nouveaux «pouvoirs» et s'amuse à défier les lois de la gravité. Comme un bébé qui se regarde dans le miroir pour la première fois, il prend des pauses de plus en plus incongrues - qui sont parfois toutes simples du côté de Tobias Wegner. Comédien et acrobate d'exception, il passe une heure à se tourner et à pirouetter, toujours en gardant un pied ou une main au mur. Étrange jeu de comédien où il doit signifier l'effort lorsqu'il n'en fait pas, et la nonchalance lorsque tous ses muscles sont contractés!

L'intérêt de la pièce réside beaucoup dans cette transposition instantanée d'une réalité en une autre. Que faut-il regarder? La performance ou son résultat? Où commence la fiction dans ce jeu de miroirs aux frontières floues?

Mais le grand talent de Daniel Brière reste d'avoir créé un fil narratif qui nous happe au-delà de ce questionnement sur le vrai et le faux, des prouesses et de la technique. Discrète au début, de plus en plus importante à partir du milieu, elle n'est jamais envahissante et toujours au service d'un récit d'une grande limpidité.

Leo, c'est l'histoire d'un homme dont le quotidien beige prend un tour fantaisiste. Lorsqu'il découvre qu'il peut flotter ou grimper aux murs, tout bascule. De la musique sort de sa mallette et il se prend pour Fred Astaire. Il se dessine un intérieur à la craie - table, chaises, poisson rouge -, joue du saxophone et tout s'anime.

Ce beau monde en couleurs sera bouleversé, mais au final, Leo trouvera la paix - et la sortie. Ce parcours intérieur se termine ainsi sur une notre bouleversante. On ressort de ce spectacle ému, sous le charme, submergé par ce tour de force qui nous a fait faire le plus beau des voyages, celui de l'imagination. Une dernière représentation est prévue demain à l'Outremont, mais Leo sera aussi à l'affiche à Espace libre du 30 octobre au 24 novembre. Vite, achetez vos billets.