Présenté pendant toute la durée du Festival Montréal complètement cirque, La Soirée, cabaret britannique au parfum légèrement sulfureux dont la première avait lieu vendredi à L'Olympia, est un moment d'exaltation collective intéressant surtout pour son ambiance festive. Amalgame de plusieurs genres  - un peu de chez Mado, un peu de burlesque, un peu de cirque, un peu de 281-, La Soirée fait souvent sourire et nous permet de lâcher notre fou. Mais si on recherche la véritable provocation ou la subversion, il vaut mieux aller voir ailleurs, du côté de chez Dave St-Pierre ou Robert Castelucci.

On se demande en effet qui est encore choqué par une drag queen ou un strip-tease coquin. Ou qui est émoustillé par un mec aux abdos impeccables prenant son bain avec ses jeans, plus proche de Flashdance, avec ses gerbes d'eau, que de Magic Mike. Et dire que c'est le clou du spectacle...

Plusieurs moments forts se succèdent tout de même sur la petite scène circulaire installée au centre de la salle: l'immense et impériale drag à la voix de ténor Le Gâteau Chocolat chantant l'air de Nessun dorma dans Turandot ou Smile de Chaplin, Yulia Pykhtina, dans un numéro de cerceau sensuel et élaboré, Nate Cooper en équilibre sur quatre chaises, impressionnant et toujours décontracté, le flegmatique duo The English Gents, dans un sympathique main à main. On se demande par contre ce que fait là Bret Pfister qui, à part réussir le grand écart dans tous les angles possibles sur une vieille toune de A-ha en arborant un look no future, ne révolutionne rien à la discipline du trapèze.

Ludique et rythmé, explosif parfois, La Soirée reste un excellent divertissement bien rodé pour amateurs de sensations en goguette, genre d'équivalent déjanté du Crazy Horse. Avec autodérision, humour et un sens certain du deuxième et du troisième degré, les artistes de La Soirée prennent cependant peu de risques. On est loin du cabaret moderne de haute voltige de Wunderkammer, de la troupe australienne C!rca, présenté justement l'an dernier en ouverture du festival.

La Soirée ne réinvente pas la roue et ce n'est pas ce qu'on lui demande non plus. Mais on aurait apprécié plus d'originalité, dans le style du duo Up and Over It, qui reproduit le rythme de la gigue irlandaise en tapant sur une table, et moins de clichés culturels - les anglais chauds sous leurs dehors impassibles, la geisha qui se transforme en samouraï... Lorsque la parfaite trilingue Ursula Martinez a commencé à chanter Guantanamera, un instant on s'est crus dans un tout-inclus à Cuba.

Dommage, parce qu'avec son cours d'espagnol grivois, la drôle de strip-teaseuse magicienne avait du punch. Mais encore là, dans un spectacle sous le signe de la diversité et de la tombée des tabous, il est tout de même surprenant que la seule personne à se mettre à poil complètement soit une femme, alors que tous les hommes gardent leurs caleçons.

Jusqu'au 15 juillet à L'Olympia.