Daniel Brière a l'habitude des projets insolites. Le Nouveau théâtre expérimental (NTE), qu'il codirige avec Alexis Martin, est son terrain de jeu habituel. Que ce soit avec Ronfard, nu devant son miroir, pièce construite à partir d'un message vocal laissé par Jean-Pierre Ronfard; Naissances, déambulatoire composé de cinq microspectacles; ou encore GRID, une pièce sur les réseaux inspirée du dispositif sur lequel on accroche les projecteurs, le théâtre prend toujours, avec lui, une forme inattendue.

Cette fois, le patriarche des Parent, en tournage pour la cinquième saison de la populaire télésérie, s'est laissé taquiner par le milieu du cirque. Une première incursion couronnée de succès, qui aura sans doute des suites. Créée au Fringe d'Édimbourg en 2011, sa pièce Leo, interprétée par l'artiste de cirque Tobias Wegner, est repartie d'Écosse avec trois prix. Le spectacle solo de la troupe allemande Circle of Eleven a ensuite été présenté à New York, en Allemagne, en Pologne, au Zimbabwe et en Iran!

Le spectacle est non seulement en tournée pour au moins deux ans, notamment aux États-Unis et en Australie, mais Circle of Eleven planche sur un deuxième Leo pour répondre à la demande. «C'est formidable, se réjouit Daniel Brière, de voir ce spectacle faire le tour du monde. Et d'être présenté dans un pays comme l'Iran! J'étais d'ailleurs très curieux de savoir comment les gens allaient recevoir ce spectacle là-bas. C'était dans le cadre d'un festival, et les gens ont beaucoup aimé. C'est sûr qu'un homme seul dans une boîte, ça peut avoir une certaine résonance...»

Mais comment l'homme de théâtre s'est-il trouvé mêlé à cette histoire de cirque? Tout a commencé en 2008, lorsque le directeur de la troupe allemande Circle of Eleven, Volker Brümmer, a pris contact avec lui. «C'est l'éclairagiste Nicolas Descoteaux qui lui a parlé de moi, raconte Daniel Brière. On ne se connaissait pas, mais il cherchait quelqu'un issu du milieu du théâtre pour créer un nouveau spectacle. C'est quelqu'un de très instinctif. Il m'a vu dans Le plan américain, on a discuté et il m'a dit: Il faut qu'on travaille ensemble.»

Daniel Brière n'était pas disponible à ce moment-là. Volker Brümmer l'a attendu. Deux ans plus tard, il est allé à Berlin pour voir My Life, un spectacle-cabaret de la troupe. C'est là qu'il a vu Tobias Wegner faire un court numéro d'environ quatre minutes. «C'est ce numéro qui m'a le plus intéressé, peut-être justement parce qu'il était moins axé sur la performance acrobatique et plus sur le théâtre... En tout cas, je me suis posé la question: est-ce qu'on peut construire un spectacle d'une heure avec ça? Je trouvais qu'il y avait là un énorme potentiel.»

Dans ce numéro, une caméra inclinée à 90 degrés captait les mouvements de Tobias Wegner et rediffusait l'image sur un écran placé à côté de lui. Ce qui fait qu'une pose toute simple donnait l'impression, à l'écran, d'être spectaculaire. «Je trouvais ça dramatiquement intéressant de voir cet homme seul, dans une boîte, avec ce double sens entre ce qu'il fait et ce que l'on voit. Tout est parti de là, de la solitude de ce personnage. Petit à petit, j'ai construit une histoire autour de lui.»

Acrobate, danseur, musicien, Tobias Wegner combine les talents. Il dessine et joue même du saxophone pendant le spectacle. «Du petit monsieur naïf et mélancolique qu'il est au début, il se transforme peu à peu en homme plein de talents, dit Daniel Brière. Une des difficultés, c'est que lui ne voit jamais ce qui est projeté à l'écran d'à côté, mais en même temps, il doit interagir avec ces projections.»

Cette incursion de Daniel Brière dans le monde du cirque n'est peut-être pas si étonnante que ça. «J'aime créer des histoires à partir d'éléments qui paraissent anodins. La difficulté avec Leo, c'est que je ne pouvais pas m'appuyer sur un texte. Le travail de metteur en scène était peut-être plus proche de celui du chorégraphe. Il a fallu que je trouve un langage entre le cirque et le théâtre. Qui sait, on fera peut-être une suite à Leo dans deux ans!»

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Du 7 au 10 juillet au Théâtre Outremont. La pièce sera reprise durant la prochaine saison d'Espace Libre, du 30 octobre au 24 novembre.