Né au festival Fringe d'Édimbourg en 2004 sous le nom de La Clique, ce cabaret érotico-acrobatique déjanté, qualifié par son créateur de «spectacle de variétés sur l'acide», repasse par Montréal cinq ans après un passage remarqué au festival Juste pour rire. Avec un nouveau nom: La Soirée.

Leur passage à Montréal en 2006 et 2007 a été marquant, c'est le moins qu'on puisse dire. La Clique débarquait alors avec toute sa faune burlesque: Mikelangelo, le crooner croate; Captain Frodo, l'homme caoutchouc; Miss Behave, l'avaleuse de sabres; Ursula Martinez, l'effeuilleuse, David O'Mer, l'Adonis aérien, et j'en passe. Parlez-en à ceux qui y étaient: ce freak show acrobatique sans équivalent a fait son effet.

Le succès public et critique a été instantané. La troupe née dans le circuit des festivals Fringe s'est ensuite arrêtée neuf mois à Londres, au réputé Hippodrome, et autant de temps à Paris, au Théâtre Bobino. Baptisée La Soirée depuis deux ans, cette famille «sans domicile fixe» revient à Montréal à la suite d'un séjour de 10 semaines en Australie, où elle a présenté la plus longue série de représentations de l'Opera House.

Le cofondateur de la troupe et metteur en scène Brett Haylock ne compte plus les représentations données jusqu'à présent. «Depuis notre passage à Montréal, on n'a pas arrêté. On joue environ huit fois par semaine à longueur d'année, ça vous donne une petite idée!» L'Australien, qui agit aussi comme maître de piste, explique le changement de nom par le départ de son partenaire, David Bates, qui avait fondé La Clique avec lui en 2004.

«C'est un peu le résultat de la fin de cette relation, mais l'esprit du spectacle est demeuré le même, et les artistes de la première heure sont toujours avec nous, dit-il. Au fond, peu de choses ont changé, sinon qu'on continue de trouver sur notre route des artistes de premier plan, qui se joignent à nous. Aujourd'hui, nous travaillons avec une trentaine d'artistes de cabaret, les uns plus doués que les autres.»

Une des attractions de cette nouvelle mouture de La Soirée: Gâteau au chocolat, imposant chanteur baryton aux allures de drag queen. «C'est une star des cabarets londoniens, nous dit Brett Haylock. Montréal tombera amoureux de lui. Il est plus grand que nature. Il a une voix extraordinaire et un penchant pour le lycra... Son personnage donne une belle couleur au spectacle. D'autant plus qu'il interagit beaucoup avec le public.»

Ironique quand même qu'un spectacle réunissant des artistes de la marge connaisse un tel succès, non? «C'est une chance incroyable, répond Brett Haylock. Que ces artistes issus de la scène alternative ou des clubs gais soient ainsi reconnus est un accomplissement dont nous sommes très fiers. Mais ils ne sont pas devenus célèbres du jour au lendemain. Ils travaillent depuis des années à perfectionner un numéro de sept minutes. Ils ont consacré leur vie à leur art et je crois que le public est sensible à ça.»

Évidemment, plusieurs de ces artistes ont travaillé dans des cirques, petits et grands. C'est le cas de deux des performeurs qui se sont joints à la troupe récemment, après un passage au Cirque du Soleil. Il s'agit de Nate Cooper, vu dans LOVE, à Las Vegas, qui fera un numéro sur patins à roulettes très drôle, et de Mooky Cornish, une clown originaire de l'Ontario, qui a joué dans Varekai. Tous deux seront à Montréal.

Peu importe leur provenance, ces performeurs extrêmes doivent adapter leurs numéros pour une scène circulaire de 2,5 mètres de diamètre. «Avec une petite scène comme ça, il n'y a pas d'endroit pour se cacher, dit Brett Haylock. Un producteur montréalais nous avait dit un soir: votre spectacle a du succès parce que chacun des interprètes travaille plus fort que les lumières... J'ai trouvé ça très beau. C'est vrai que l'esthétique de notre spectacle est très low tech, les artiste doivent tout donner pour séduire le public.»

Nouvelle variété

De ses deux étés passés à Montréal, Brett Haylock garde un excellent souvenir. «Juste pour rire nous a ouvert les portes de Montréal, dont nous sommes tombés amoureux. Aujourd'hui, avec ce nouveau festival de cirque, qui se profile déjà comme l'un des plus prestigieux festivals de nouveau cirque, c'est une raison fantastique de revenir. Nous n'avons jamais appartenu exclusivement à la famille de cirque, nous n'avons jamais eu cette prétention. Mais nous puisons bien sûr dans cet univers.»

Au fil des huit dernières années, la troupe s'est taillé une place enviable dans le monde du spectacle. «Depuis le début, notre mérite, je crois, a été d'avoir transformé le format vieillissant des spectacles de variétés. Nous l'avons rendu attrayant pour toute une nouvelle génération de gens. Nous n'avons pas réinventé la roue, mais on a conçu un spectacle de variétés plus rapide, plus sexy et plus drôle, avec un côté underground qui plaît.»

Durant ses arrêts à Montréal, Brett Haylock a fait plusieurs rencontres artistiques. «On ne passe pas d'auditions, mais on a toujours des invités spéciaux dans nos spectacles, ça nous permet de les voir à l'oeuvre. C'est comme ça qu'on a recruté deux diplômés de l'École nationale de cirque de Montréal: Hugo Desmarais, qui a créé un numéro aérien dans un appareil appelé «La cage». Et Bret Pfister, qui fait un numéro de cerceau aérien magnifique, et qui sera à Montréal.»

Au total, la troupe compte une dizaine d'artistes sur scène. Pour les représentations de Complètement cirque, le contorsionniste Captain Frodo, qui fait partie du noyau dur de la troupe, ne sera pas là. «Il attend son premier enfant», nous dit Brett Haylock. Miss Behave non plus. «Ça arrive, et c'est correct, nous dit le metteur en scène. On ne remplace jamais nos interprètes, on change de numéros, tout simplement.»

Mais rassurez-vous. L'effeuilleuse londonienne d'origine espagnole Ursula Martinez sera là. La spécialiste de hula hoop Yulia Pykhtina, d'origine ukrainienne, aussi. «C'est une femme qui brise des coeurs partout sur son passage, précise Brett Haylock. Elle a une telle grâce et une telle maîtrise de son art. Et un regard...» Enfin, l'acrobate aérien David O'Mer, qui fait un numéro remarquable au-dessus d'une baignoire sur pattes, y sera également. Comme The English Gents, extraordinaire duo de main à main formé de deux... Australiens.

Bref, on n'a pas fini d'entendre parler de ces drôles d'oiseaux qui, comme le veut la coutume, vont à la rencontre du public après le spectacle.

La Soirée, au Théâtre Olympia du 6 au 15 juillet.