Créer dans l'urgence a ceci de bon: on ne se perd pas dans des concepts vaseux. Présenté dans le cadre de Montréal complètement cirque, le Cabaret des 7 doigts de la main, conçu en trois semaines, est simple et efficace avec sa succession de numéros menés tambour battant par les finissants de l'École nationale de cirque et la maîtresse de cérémonie déjantée Krin Haglund, membre des 7 doigts aussi charmante que talentueuse.

Chicago, 1930. La première partie commence sur un air connu de chapeaux noirs et de jazz... vite interrompue par le (faux) metteur en scène incarné par le doigt Sébastien Soldevila, (vrai) cometteur en scène du spectacle avec Isabelle Chassé. «Complètement nul», décrète-t-il, pendant que les artistes s'agitent et tentent de répondre à ses ordres contradictoires. «Nature-énergie-émotion», c'est son mentra. Jusqu'à l'entracte, la représentation sera ainsi ponctuée par ses interventions, parfois un peu longues, mais drôles par sa mauvaise foi et son mépris - il est Français, évidemment!

Il y aura tout de même des numéros de cirque: du tissu aérien, du trapèze, un numéro de main à main très lyrique et un de barre russe, endiablé.

Les 7 doigts ont cependant eu l'intelligence de ne pas étirer la sauce, car même si on a bien rigolé avec le détestable metteur en scène, on est soulagé en deuxième partie quand on constate qu'il ne reviendra pas. Place au cirque maintenant, et cette fois, c'est une explosion de talent qui défile sur scène. Entre le duo jazz de choc formé par la chanteuse française Cyrille-Aimée et le pianiste Assaf Gleizner et les rythmes hip-hop, chacun peut enfin montrer ce qu'il sait faire sans être interrompu.

Le concept de cabaret est quelque peu évacué et les numéros sont davantage enchaînés, ce qui rend le spectacle éminemment plus dynamique. Krin Haglund fait de la roue Cyr - qu'elle qualifie de nouveau yoga!-, suit du jonglage avec des boîtes de cigares et un intense duo de main à main. C'est cependant Alexandra Royer qui dominera cette deuxième partie avec un magnifique, très doux et très triste numéro de cerceau aérien, porté par la voix profonde de Cyrille-Aimée chantant Le piano ivre de Catherine Major. Un accord parfait.

Seul numéro comique, les quatre garçons en tutu déclamant pourquoi «ils se sentent hommes»: quand ils se rasent avec un couteau rouillé par exemple, ou quand ils disent à leur neveu de quatre ans que le père Noël n'existe pas... Cela aboutit sur une compétition énergique entre Colin Davis et Devin Henderson aux anneaux chinois superposés, dans lesquels ils plongent sans peur.

Le spectacle se termine avec un numéro de groupe à la planche coréenne, sur Groove grave de Loco Locass, avec toute l'énergie du monde. C'est finalement un réel plaisir de voir les finissants de l'École de cirque dans un autre contexte que celui de leur spectacle de fin d'année, plus élaboré peut-être, mais plus formaté aussi. Merci donc aux 7 doigts de la main pour ce concept léger qui donne la part belle à la relève.

Le Cabaret 2011 Les 7 doigts de la main, jusqu'au 23 juillet à l'Olympia