Serge Lazar nous avait dit que son personnage de porteur était «bête et méchant». Mais il ne nous avait pas dit à quel point il pouvait être antipathique, grossier et macho. Difficile de s'attacher à lui. Le grand Belge avait donc intérêt à être bon. Ce qu'il fut.

Sway est un spectacle étonnant qui nous transporte dans ce qui pourrait être le studio de deux acrobates, qui forment un couple un peu en déroute, et qui répètent leur numéro de main à main, sous l'oeil tantôt bienveillant, tantôt embarrassé de leur ami musicien (Yannick Dupont), qui gratte sa guitare électrique et fait jouer des 33-tours.

La première chose qui nous frappe, dès le début du spectacle, est l'attitude des trois personnages qui ne font pas du tout cas du public. Ils sont totalement dans leur bulle. C'est à peine si leurs textes sont audibles.

Ce choix renforce évidemment le côté voyeur du spectateur, qui est témoin des tensions et pulsions entre un porteur, Serge Lazar, et une voltigeuse, interprétée avec beaucoup d'aplomb par Colline Caen.

Le caractère désagréable du personnage de Serge Lazar (qui a vraiment une tête de tueur) et la distance qu'il y a entre nous et lui (puisque nous n'existons pas), font qu'on le prend un peu en grippe. Heureusement que le musicien, Yannick Dupont, insuffle un peu de bonhomie à ces tableaux plutôt sombres.

Créé l'an dernier en Belgique, Sway, qui fait référence au mambo repris par Dean Martin - entendu en version phono pendant la représentation -, est un court spectacle à la fois drôle et cruel qui pourrait porter sur les dessous miséreux du métier d'acrobate. Manifestement les créateurs ont voulu créer des ambiances lourdes contrebalancées par des numéros aériens tout en douceur.

Parlons de ces numéros. Sur scène, une énorme rampe de planche à roulettes mène à une plateforme à partir de laquelle la voltigeuse s'élance. Juste au-dessus de la partie basse de la rampe, se trouve le porteur, suspendu par les pieds, qui fait virevolter sa belle. Des numéros tous très bien exécutés. On en aurait d'ailleurs pris beaucoup plus.

Durant ces exercices périlleux, nous sommes donc témoins de la relation amour-haine entre les deux personnages, qui tantôt se séduisent, se caressent, se chatouillent même et tantôt s'envoient promener, se disputent, se repoussent, parfois assez violemment.

Se réclamant du théâtre corporel, ce premier spectacle des Mains sales (référence notamment à la magnésie que se mettent les acteurs dans les mains), est assez audacieux dans sa forme. Seulement voilà, l'offre de contenu était bien mince. Et malgré le talent des deux acteurs-performeurs, on reste sur notre faim.

Sway. À l'Usine C jusqu'à samedi.