On aurait dit une installation acrobatique vivante. Avec de la musique live, des projections vidéo, des numéros acrobatiques, et nous, les spectateurs, debout au milieu de cette troupe singulière, déambulant dans l'enceinte circulaire de la TOHU, tantôt juste en face des artistes, tantôt juste en dessous d'eux.

Ce Tabù réussit son pari d'inclure le spectateur dans le spectacle, même si on ne sait parfois plus où donner de la tête tellement nos sens sont sollicités; les numéros se superposant ou se préparant devant nous, pendant qu'autre chose se passe juste à côté ou derrière. L'expérience peut s'avérer étourdissante. Mais bon, ne dit-on pas que l'ordre naît du chaos?

La mise en scène de Firenza Guidi nous fait passer par toutes sortes d'ambiances et d'émotions. Avec des tableaux extrêmement sensuels, comme ce superbe main à main, au cours duquel les deux protagonistes se déshabillent (pas complètement) et s'embrassent avant de commencer leur numéro. Toujours avec la musique en appui, qui colore les numéros.

Quel orchestre, d'ailleurs, un des points forts de cette création de NoFit State. Guitares, batterie, saxophones, piano, accordéon, ce groupe gallois passe aisément du rock musclé à l'indie, aux ballades de piano, en passant par des musiques enrobées d'atmosphères qui donnent vraiment beaucoup de caractère à Tabù.

Plusieurs numéros aériens, donc: balançoires, trapèzes, main à main, mais aussi mât fixe et mât ballant. Toujours très bien exécutés, avec beaucoup de finesse, de poésie et une bonne dose d'humour. Pour preuve, ce numéro aérien à six, où deux Popeye (il y en a un qui fume le cigare et l'autre la pipe) se battent dans une arène improvisée par les autres acrobates.

Le tabou de la peur, au coeur de ce spectacle, est assez bien exploité. On le ressent bien dans le numéro de l'Argentine Natalia Fandino, dont le micro nous permet de ressentir jusqu'à son souffle dans son numéro de trapèze fixe. On le ressent aussi dans certains numéros «à risque»; risque qu'on partage étant donné notre proximité avec les artistes.

Pourquoi tout expliquer?

Firenza Guidi nous disait avant le spectacle en avoir contre cette idée de tout expliquer et de tout décrire par les mots ou la musique. «Pourquoi faut-il toujours tout comprendre?» demandait-elle. Son pari en ce sens est réussi, car les parallèles avec le roman Cent ans de solitude, de Gabriel Garcia Marquez, dont elle s'est inspirée, ne sont pas évidents.

Une chose est sûre, c'est que ces artistes de Tabù ont une approche très humaine de leur art. Et si leurs numéros sont loin d'être parfaits, ils parviennent à toucher les cordes sensibles du public. On en sort essoufflé, avec l'impression d'avoir réellement partagé des moments acrobatiques avec eux. Ce qui n'est pas rien.

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Tabù, de NoFit State. À la TOHU jusqu'au 25 juillet.