Créée en 2007 au pays de Galles, ce Tabù, qui fait référence au tabou de la peur, s'annonce déjà comme l'une de ces curiosités à voir. En particulier pour l'expérience du spectateur, qui suivra le spectacle debout, tout en se déplaçant dans l'enceinte de la TOHU. Entretien avec la metteure en scène Firenza Guidi.

C'est à une «promenade» que nous convie la metteure en scène d'origine milanaise, Firenza Guidi, qui a conçu Tabù avec le souci de faire entrer le spectateur dans l'espace des artistes-performeurs, afin qu'il devienne véritablement un complice.

«Je veux que le spectateur entre dans le monde de l'artiste et de la création. Je ne veux pas qu'il regarde ce monde de loin ou en marge, explique celle qui a longtemps travaillé avec Ariane Mnouchkine et The Living Theatre. Je veux que ce soit une expérience sensorielle.»

La semaine dernière, trois extraits du spectacle ont été présentés aux médias, dont un numéro de mât ballant et un très beau numéro de trapèze fixe avec l'artiste argentine Natalia Fandiño. Les habiletés des artistes sont manifestes, mais la créatrice italienne a d'abord voulu montrer l'humanité des performeurs.

«Les micros que porteront les artistes nous permettront d'entendre leur souffle, de ressentir leur effort, a précisé la conceptrice de ce spectacle qui mêle théâtre, danse et performance dans une économie de mots. Je veux montrer les rides de ces artistes. Je veux montrer leur vécu. Je veux qu'ils soient vrais.»

Ne demandez pas à Firenza Guidi, qui a vécu sept ans à Belfast dans les années 80 avant de s'établir à Cardiff (pays de Galles, en Grande-Bretagne), de s'étendre sur l'histoire de Tabù. Car pour elle, un script trop précis ou trop bien préparé peut s'avérer limitatif.

«Les gens veulent toujours tout comprendre! Moi, je favorise l'écriture de montage. Je ne crois pas que le texte ou la musique doivent tout expliquer, tout décrire. J'écris le script au fur et à mesure que le spectacle se monte. Ça insécurise les comédiens, bien sûr, mais ça leur donne une autre énergie aussi.»

C'est drôle, on pense spontanément au film musical de Rob Marshall, Nine, qui met en vedette un réalisateur italien en déclin, dont le nouveau film annoncé à grands cris... n'est pas encore écrit. Le parallèle fait sourire Firenza Guidi. «Oui, c'est une mise en abîme. C'est bien!»

Pour les plus pragmatiques d'entre nous, tentons quand même de résumer le propos de Tabù, qui compte une vingtaine d'artistes sur scène, incluant des performeurs, des danseurs et un orchestre de musiciens dirigés par le compositeur Peter Reynalds.

Le point de départ? Nous sommes projetés dans un futur où le monde s'est arrêté. «Les corps sont suspendus, comme des pièces de viande dans un réfrigérateur, précise l'auteure et metteure en scène. S'il s'est arrêté, c'est parce qu'il y a un manque de passion, d'émotion, d'humanité. Le monde s'est arrêté parce qu'on ne risque plus rien, donc on ne vit rien.»

Arrive une jeune fille qui n'a pas peur, qui fait tout bouger et qui va réveiller tout ce beau monde endormi. C'est là que tout explose. Pour créer Tabù, Firenza Guidi dit s'être inspirée du roman Cent ans de solitude, de Gabriel Garcia Marquez, qu'elle qualifie de «compagnon de route» et qui joue beaucoup sur ce qui est vrai et ce qui est faux.

«Ceux qui ont lu le livre feront certainement des parallèles avec les membres de la famille Buendia, mais ce n'est évidemment pas essentiel. Moi, je voulais parler de la peur. Du tabou de la peur qui nous paralyse et qu'on sous-estime», croit-elle.

«La peur de ne pas être aimé, de rater sa vie, de ne plus voir tes enfants, de perdre quelqu'un, de devenir vieux, de ne pas avoir fait ce que tu voulais, la peur est omniprésente dans nos vies. Et parfois, elle nous empêche d'avancer. C'est ce que Tabù explore.»

Tabù, de la compagnie NOFIT State. À la TOHU du 12 au 25 juillet. Pour l'ensemble de programmation: montrealcompletementcirque.com.