Pour clôturer sa 35e édition, le festival Just for Laughs a invité des humoristes d'ici et d'ailleurs à se payer la tête de la ville hôte en organisant un gala « bien cuit ». Le résultat fut parfois juteux, mais ça manquait aussi d'assaisonnements.

LE MEILLEUR NUMÉRO



On nous accusera peut-être de pêcher par chauvinisme, mais Rachid Badouri a véritablement fait un tabac hier soir. À la faveur de cette toute première présence à Just for Laughs, son numéro déjà bien rodé sur la diversité culturelle montréalaise a assurément fait mouche auprès du public anglophone. Ses observations sur les différentes communautés de la métropole, accents à l'appui et serties d'une gestuelle hallucinée, lui ont valu la plus sincère ovation de la soirée. Les détournements de sens provoqués par l'accent très prononcé de certains Québécois quand ils parlent anglais ont suscité les rires les plus nourris.

LE MOINS BON NUMÉRO

On a déjà vu le vétéran américain Alonzo Bodden mieux inspiré. L'humoriste a livré quelques bons gags, mais il s'est aussi appuyé sur les mêmes sempiternels clichés à propos de Montréal, notamment sur les femmes et les « petits » policiers, « tellement cutes » par rapport à ceux qu'il a chez lui. « Les Montréalaises sont les plus belles femmes du monde et elles se promènent à demi nues. Pourquoi diable avez-vous autant de strip clubs ? C'est redondant ! » Seriously ?

LE PLUS GRINÇANT

Jimmy Carr a compris le message et a joué la carte du « bien cuit » à fond. L'histoire dira s'il a dépassé les bornes, mais certaines de ses blagues, notamment sur Céline Dion et René Angélil, passeraient sans doute plus difficilement la rampe dans un show franco. « Pour une raison qu'on ignore, Montréal est fier de son héritage français, semble-t-il », a lancé l'humoriste britannique. « Installer à Montréal le siège de l'agence antidopage, c'est comme offrir la direction d'une école primaire à Karla Homolka ! » Il sera intéressant de voir ce que la CBC, qui diffusera ce gala ultérieurement, retiendra de ce numéro.

LA MEILLEURE PRÉSENTATRICE

En quelques minutes à peine, et avec son plus beau sourire, la présentatrice Britanny LeBorgne, vedette de la série Mohawk Girls, a taillé en pièces la pertinence de célébrer le 375e anniversaire de la ville. L'actrice de Kahnawake a dit trouver le tout quand même « adorable ». « Mon peuple est ici depuis 8000 ans, presque le temps d'attente pour avoir une table chez Joe Beef. Ce que vous célébrez est, en fait, le 375e anniversaire de l'embourgeoisement de Montréal. Merci de nous avoir sauvés de notre cauchemar utopique ! » Des autres présentateurs-vedettes, aucun ne s'est vraiment distingué, à part Anthony Kavanagh. Son appel à l'aide pour les dirigeants de Bombardier, en forme de discours de prédicateur, a été fort bien reçu.

LE NUMÉRO SANS JOKES

Le groupe The Tenors a clôturé la soirée avec un numéro musical rendant hommage à Leonard Cohen. La foule a accueilli l'interprétation du classique Hallelujah par une ovation.

QUELQUES RÉPLIQUES

« Québec est en vérité un mot algonquin qui veut dire : l'endroit où va l'argent de la péréquation. » - Mark Critch

« Pierre Elliott Trudeau nous a laissé en héritage le bilinguisme, la Charte des droits, et les "selfies" en "chest". » - Caroline Rhea

« Je suis un mâle montréalais anglophone, blanc, hétéro, et je suis conscient de mon privilège. Quand je souhaite me rappeler mon statut de minoritaire, je n'ai qu'à m'adresser en anglais impeccable à un préposé de la STM dans un kiosque du métro. » - David Pryde

« Je n'en reviens jamais de rencontrer à Montréal des Noirs venus de tous les coins du monde s'installer intentionnellement en Amérique du Nord. » - Alonzo Bodden

« Montréal est la ville la plus sexy du Canada. Moi, je dis que cette intervention est inutile et que vous ne devez rien changer. » - Rick Mercer (en présentation vidéo)

LE VERDICT

Une soirée avec ses hauts et ses bas, où les présentateurs-vedettes ne se sont pas tous fait valoir. Jay Baruchel n'a fait que passer, tout comme Max Pacioretty et Jonathan Drouin. Les numéros des différents humoristes, formule oblige, n'ont pas tous été d'égale qualité non plus. Plusieurs des blagues ont tourné autour de la « fracture » entre francos et anglos, et entre le Québec et le Canada. Ce filon commence à s'effilocher sérieusement. En vérité, l'émission de télévision que le réseau CBC tirera de ce spectacle risque d'être beaucoup plus serrée et efficace.